Quel trait d’union existe-t-il entre la casquette de pilote automobile, le costume de chef d’entreprise dans le milieu du BTP, et celui de dénicheur de talents dans l’univers de l’art moderne ? À première vue, même pas quelques pointillés. Pourtant Jérôme Garcia, serial entrepreneur autodidacte, reste animé depuis sa prime adolescence par la « passion », véritable fil rouge de ses multiples vies qu’il alterne sans transition et « ne regrette pas ». La porte étant refermée pour certaines activités, une autre est encore grande ouverte : celle de son dernier « bébé », IXIart Gallery que ce père de famille a créé en toute discrétion en 2017, en face du port Saint-Sauveur, guidé par le besoin de « se retrouver » et de « donner du sens à ses actions ». Âgé alors de 43 ans, ce chef d’entreprise a ainsi sonné le glas de plus de deux décennies réglées à cent à l’heure pour se consacrer pleinement à ses premières amours.
« J’ai fait des rencontres artistiques qui m’ont donné envie de me replonger dans l’art, la peinture plus précisément et de reprendre également moi-même les pinceaux, même si je ne me considère pas comme un artiste. J’étais tellement enlisé dans l’engrenage du business et dans une course au chiffre d’affaires, qu’à un moment donné, j’ai ressenti cette nécessité de me retrouver spirituellement et personnellement. Je médite beaucoup et cette pratique m’a ramené sur le chemin artistique », se souvient le quadra, influencé par le célèbre artiste américain Andy Warhol, pour ne citer que lui. La reconversion de ce touche-à-tout en galeriste ne doit donc rien au hasard. Animé par la fibre artistique depuis ses 12 ans, qu’il a entretenue sans suivre de cours malgré la présence d’artistes et de professeurs de Beaux-Arts du côté de son paternel, cet ancien mécène à ses heures, a de fait commencé très tôt une collection de tableaux avant de parcourir l’Hexagone et l’Europe pour découvrir des pépites.
Il aura fallu, à cet ancien homme pressé, près de trois ans de tâtonnement pour chercher une clientèle, qui, affirme-t-il « corresponde à ce que j’aimais », avant de changer de cap et de miser sur le feeling, son fonctionnement habituel d’ancien chef d’entreprise. « Ce qui prend du temps, c’est aussi de créer sa propre identité. Je souhaitais représenter une galerie éclectique, colorée, atypique. Je suis attiré par la gaieté. Il faut mettre de la couleur dans nos vies ! Les oeuvres anciennes ne m’intéressent pas. Je préfère de loin l’art moderne, la créativité nouvelle dans laquelle les amateurs se retrouvent aujourd’hui. Or, il existe de nombreux artistes talentueux, amateurs ou professionnels qui ne savent pas se mettre en lumière. Mon challenge est de les aider à se faire connaître quand j’entrevois du potentiel. C’est mon côté chef d’entreprise qui ressort mêlé à la passion », explique Jérôme Garcia.
Rendre l’art accessible
Fier de réunir une communauté de 12 000 abonnés sur le réseau Instagram, il écume, aux quatre coins de la France et ailleurs, les expositions, les événements et les ateliers, et prend le temps d’interpréter la sensibilité de chaque créateur. Aujourd’hui, le galeriste, qui organise des vernissages atypiques toujours à l’extérieur avec une thématique particulière pour surprendre son public (le prochain en date étant prévu le 15 septembre dans un château), gère une trentaine d’artistes permanents. Il expose notamment entre ses murs, des artistes français et internationaux comme le sculpteur F.Kuman et ses anges, des peintres du courant pop art comme l’artiste franco-belge Benjamin Spark, l’artiste portugaise Maria De campos, etc., ou encore Guillaume Verda (art brut) et la toulousaine Christel Petraud (portrait). C’est d’ailleurs principalement une clientèle étrangère provenant des quatre coins du globe – Royaume-Uni, Allemagne, Australie, Singapour, Italie, etc., – qui achète ses « coups de coeur ».
« L’art me permet aujourd’hui d’ouvrir les portes, il y a, à mon sens, moins d’interdit »
Mais être amateur d’art et pousser les portes d’une galerie, cela signifie-t-il forcément y laisser sa chemise ? Si l’art a toutefois un prix, Jérôme Garcia entend rendre cet univers à la portée d’amateurs moins aisés. L’accessibilité se traduit aussi à travers un nouvel axe de développement, le nouveau site internet fraîchement mis en ligne qui regroupe plus de 200 oeuvres. « L’objectif est de toucher une cible encore plus large à l’international », souligne-t-il. Qui plus est, si certaines activités ont perdu de leur souffle pendant la crise de la Covid, l’art et IXIart Gallery ne semblent pas avoir été touchés, bien au contraire. Le fondateur assure que « les ventes ont cartonné grâce aux visios, notamment en France. L’année Covid a été notre plus belle année, et l’activité se porte toujours bien aujourd’hui. »
Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le galeriste, qui reste toujours entrepreneur dans l’âme, voit son avenir à travers un prisme plus large. Il entend à court terme investir un nouvel endroit plus grand, en vue de doubler la surface d’exposition, passant de 100 m2 à 250 m2. Mais le défi est de taille pour trouver le lieu qui permettra à la galerie de prendre une autre dimension, surtout au sein de la Ville rose. « Cela fait un an et demi que je cherche », confie-t-il. D’ici 2023, il prévoit l’ouverture de galeries en France voire à l’étranger. Cet enfant du Comminges, qui garde toujours un bout de son coeur accroché aux reliefs des Pyrénées centrales, a, au départ, suivi les pas de son père exerçant dans le BTP, bien qu’il soit depuis sa jeunesse, attiré par les sports mécaniques. L’adolescent, plutôt réservé, évolue rapidement sur les circuits en compétition, en commençant par le karting, puis en monoplace avant de devenir pilote de course automobile et coach.
Art et liberté
Une passion – transmise d’une certaine manière par son père amateur de véhicules anciens – qui prend fin lorsque le jeune homme, âgé de 25 ans – lequel passe son tour pour les diplômes –, décide de racheter une entreprise en difficulté, en Ariège, dans le milieu du BTP, spécialisée dans la vente de matériaux, de granulats, et de béton. « J’étais motivé par l’envie d’avoir ma propre affaire. Mon père m’a épaulé en me prêtant de l’argent que je lui ai remboursé six mois plus tard. Cela a bien fonctionné, l’objectif étant de redresser l’activité et de la développer. » L’année 1998 marque la création de Garcia Group, passant ainsi de la petite PME de cinq personnes à une entreprise de 90 collaborateurs, qui rayonne alors dans l’ex-région Midi-Pyrénées, en conservant toutefois son indépendance.
Malgré le succès, le chef d’entreprise prend la décision de refermer ce chapitre professionnel. S’ensuit un virage à 360 degrés. « Je voyais mes concurrents et d’autres entrepreneurs pris dans une spirale perpétuelle et pas forcément heureux, formatés pour répéter sans cesse les mêmes schémas. Je constatais un esprit de compétitivité mais sans marge d’évolution, ce que j’ai décidé de fuir. L’art me permet aujourd’hui d’ouvrir les portes, il y a, à mon sens, moins d’interdit », conclut celui dont les maîtres mots ont longtemps été l’adrénaline et le dépassement de soi.