On a du mal, alors que la téléréalité occupe aujourd’hui une énorme place dans les programmes des chaînes commerciales, à se souvenir de l’impact qu’a généré dans le public la diffusion en 2001 de Loftstory sur M6, premier programme de téléréalité français, dont la finale a été suivie par 12 millions de personnes… Pas plus qu’on ne peut s’imaginer l’état d’esprit des 12 candidats de cette première saison, à leur sortie du Loft. Si pour certains, le retour à la (vraie) réalité a été difficile, pour d’autres, l’expérience pourrait se résumer à « une parenthèse médiatique ». C’est le cas de Julie Mercy. À 46 ans, la jeune femme est aujourd’hui la directrice du développement commercial du groupe HIS, un groupe hôtelier régional et familial, fondé par Jean-Louis Zevaco et dirigé par ses deux filles Émilie et Magali.
Un groupe originaire de Montauban, propriétaire et exploitant désormais d’une vingtaine d’établissements (gérés sous contrat de franchise auprès de grands groupes hôteliers internationaux, tels Accor Hotels et Louvre Hotels) que Julie Mercy a rejoint en 2018, ouvrant un nouveau chapitre dans un parcours professionnel qui cumule une vingtaine d’années d’expérience dans l’hôtellerie de luxe. Un chemin de vie qu’elle n’avait certainement pas imaginé, lorsque, son Bac A3 en poche, elle entreprend des études de musicologie à Tours. Cette native de Nantes a, en effet, une passion dévorante pour la musique et le chant lyrique. Animée par l’envie de transmettre, elle se voit devenir professeur de piano. L’été, elle travaille chez Disneyland Paris puis au Méridien, porte Maillot, un quatre-étoiles. Deux expériences qui lui permettent d’exploiter son goût des langues, du contact, du service. On lui propose un CDI comme standardiste. Elle doit gérer son premier cas de conscience : poursuivre son Deug ou opter pour cet emploi offert sur un plateau.
Elle choisira la seconde option. Elle devient rapidement réceptionniste. Après trois ans passés au Méridien, en 1999, elle apprend la réouverture prochaine du Georges V sous le pavillon Four Seasons. Un « beau challenge » dont elle veut faire partie. Elle se porte candidate, passe les entretiens avec les différents chefs de service. Recrutée comme standardiste, elle évolue à nouveau très vite vers un poste de réceptionniste. Elle côtoie « une clientèle d’exception » : chefs d’entreprise, sportifs de haut niveau, artistes… « Aux petits soins » pour ces clients exigeants, elle se sent « parfaitement à sa place ». Un soir à Nanterre, dans son appartement en haut d’une tour, elle entend cette annonce sur M6. La chaîne recherche des candidats pour son nouveau programme qui doit (va) défrayer la chronique. Julie Mercy a 24 ans, un avenir grand ouvert. Le groupe Disney vient de lui proposer un poste aux États-Unis, au Epcot Center en Floride, assorti d’un visa de 18 mois. Une chance pour celle qui rêve de parfaire son anglais…
Folie médiatique
Départ prévu : août 2001. Pour s’amuser, cette jeune femme délicieusement spontanée passe pourtant les différents castings organisés par la chaîne. « À aucun moment, je ne me suis projetée dans l’idée d’y aller réellement », avoue-t-elle. À aucun moment non plus, elle et les 11 autres candidats « n’imaginent devenir célèbres ». Après une batterie de tests, sa candidature est finalement retenue. Nouveau dilemme… Elle opte pour le jeu télévisé, avec l’envie de « bousculer un peu mon quotidien, de vivre quelque chose hors normes ». Et d’ajouter en paraphrasant sa maman : « Mieux vaut avoir des regrets que des remords ». Entrée le 26 avril dans le Loft – « une sorte de colonie de vacance façon Club Med » à l’esprit « bon enfant » où « rien ne nous était imposé » –, elle en ressort le 31 mai, à mi-parcours. « Une jolie expérience », résume-t-elle qui lui a permis de rencontrer son futur mari, Christophe, lui aussi candidat et surtout vainqueur, avec Loana, de cette première édition. Il lui faudra un an, admet-elle, pour prendre conscience de la folie médiatique créée par l’émission. « Cela a été violent ».
« À Montauban, il y avait un réel besoin de lieux haut de gamme pour l’accueil de séminaires, à tel point, que deux semaines après l’ouverture c’est déjà complet »
Mais son expérience dans l’hôtellerie de luxe et surtout son entourage familial, l’aident à « garder les pieds sur terre ». L’émission lui ouvrira des portes : elle enregistre un single avec André Manoukian. Les deux ex-candidats, désormais en couple, présentent une émission musicale sur RFM TV, tournent un clip, investissent dans la pierre grâce aux gains de l’émission. Mais un an plus tard, les amoureux prennent le large. Christophe le Toulousain veut se rapprocher de ses bases. À Mazamet où il vit un peu à l’écart du monde, le couple fonde une famille… En septembre 2003, la parenthèse refermée, Julie Mercy reprend le collier. Réceptionniste dans un premier hôtel, elle rejoint très vite Le Palladia à Toulouse où elle prend la responsabilité des séminaires et des banquets. Un poste à sa mesure, qui lui offre la chance d’« être totalement autonome ». « Le propriétaire m’a fait con fiance », explique-t-elle. Elle y restera 13 ans, le temps de développer l’activité MICE (Meetings, Incentives, Conferencing, Exhibitions) et corporate de l’établissement de Purpan et d’y lancer une saison culturelle en nouant des partenariats avec l’Orchestre de chambre de Toulouse et le Grenier Théâtre.
Un besoin de liberté
« Cela m’a beaucoup plu de travailler avec des artistes, se souvient-elle, et d’offrir à nos clients ces petites bulles de culture. » En 2018, Julie Mercy éprouve « le besoin de se mettre en danger. Il me manquait quelqu’un pour me tirer vers le haut », reconnaît-elle. Sa rencontre avec Émilie Zevaco est décisive. Elle devient pendant deux ans directrice d’exploitation de l’Ibis Styles Toulouse Cité de l’Espace. « Une expérience très riche. Mais dans un tel poste de direction, la déconnexion est difficile, reconnaît Julie Mercy. Les responsabilités sont extrêmement lourdes. Je pense, sans forfanterie, que ma plus-value se situe plus sur le terrain, dans la négociation, la relation client et moins dans la gestion d’un centre de profit ». La quadra, qui s’épanouit difficilement dans ce nouveau poste, formalise ses attentes auprès de ses responsables qui se montrent « très à l’écoute et bienveillants. » La quadra se voit proposer une création de poste. « J’avais identifié des besoins au sein du groupe, en matière de relations publiques et de développement commercial », détaille-t-elle.
Depuis septembre 2020, la jeune femme est donc en charge de l’activité MICE et corporate pour le groupe HIS. Une mission qui permet à cette « boulimique de travail » de maintenir un équilibre raisonnable entre vie personnelle et vie professionnelle. « Je suis très dévouée et très loyale. J’ai donc parfois tendance à me mettre moi-même en danger. De fait, j’ai un très fort besoin de reconnaissance : je suis très exigeante envers moi-même et j’ai besoin de me prouver en permanence que ce que je fais tient la route. Aujourd’hui, je sais ce que je vaux et ça fait du bien de s’en rendre compte ! » Son travail l’amène à se déplacer entre les différents établissements du groupe, mais l’un particulièrement l’occupe en ce moment : l’Ibis Style de Montauban qui vient d’ouvrir. Un investissement de 8,5 M€ pour 56 nouvelles chambres sur les 160 que compte désormais le « Village des Chaumes », réunion de trois établissements, un Ibis budget, un Ibis rouge classique et ce tout dernier Ibis Styles inauguré le 21 octobre, dans lequel se loge une nouvelle offre de restauration, la trattoria Pia. « Ma mission est de commercialiser l’ensemble de cette offre », détaille Julie Mercy, qui, avant ça, s’était attachée à développer le Mercure de Loudenvielle ouvert en mai 2021.
« À Montauban, il y avait un réel besoin de lieux haut de gamme pour l’accueil de séminaires, à tel point, que deux semaines après l’ouverture c’est déjà complet ! », assure la quadra qui prévoit d’organiser le 15 décembre prochain au coeur du Village des Chaumes son premier marché de Noël, qui réunira artisans et producteurs locaux, promet-elle, « afin de mettre en lumière des personnes qui manquent parfois de notoriété ». Juste retour des choses pour la jeune femme qui mûrit avec son mari un projet plus personnel autour de la maison qu’ils viennent d’acheter « à 7 minutes de Montauban ». Mais ne lui parlez surtout pas d’ouvrir son propre hôtel : « Je ne saurais pas me déconnecter. Je chéris trop la liberté dont je dispose aujourd’hui, j’en ai besoin »