« La vie est un chemin qui nous propose des voies à prendre, il faut saisir les opportunités et voir le verre à moitié plein », témoigne Marie-Armelle Bories, aujourd’hui à la tête de Dralam Technologies, spécialisée en automatisme et solutions d’internet des objets (IoT) et Perax, qui fournit des systèmes de télégestion, notamment sur le marché de l’eau potable et de l’assainissement. Ces mots résument parfaitement la trajectoire professionnelle de cette femme d’industrie.
« La reprise d’entreprise a fait immédiatement partie des pistes pour notre avenir »
À l’aube de la cinquantaine, cette ingénieure vit une « renaissance », délaissant définitivement le salariat pour endosser le costume de chef d’entreprise. Une nécessité pour Marie-Armelle Bories évoluant depuis de longues années en tant que directrice de production chez Bouyer, qui connaît les affres d’un licenciement. « L’entreprise qui a changé de braquet à plusieurs reprises faisait face à des difficultés, ce qui a conduit à un changement en interne. Mon mari et moi étions tous deux cadres supérieurs dans cette même structure et avons été remerciés à six mois d’intervalle. La reprise d’entreprise a fait immédiatement partie des pistes pour notre avenir. Un virage à 360° qui s’est révélé être un succès. Nous recherchions la liberté de décider, de choisir, de respecter nos valeurs, ce que nous n’avions pas forcément auparavant. Cette aventure nous titillait depuis longtemps mais, et il nous était difficile auparavant de concilier vie de famille recomposée avec des enfants en bas âge et entrepreneuriat. Mais il faut faire confiance à la vie », sourit la sexagénaire qui ne regrette pas d’avoir refermé la porte du salariat. Afin de s’armer face à de nouveaux challenges, Marie-Armelle Bories profite d’une période d’entre-deux pour s’inscrire à des formations et intègre l’IAE en parallèle de la reprise de Dralam avec son partenaire de vie en 2005. Quid du choix de cette PME ? « Nous avons fait ce choix parmi plusieurs dossiers qui nous ont été présentés car nous connaissions tous deux bien l’univers de l’électronique et de la production, et que nos compétences respectives se complètent bien. Lui, est un homme de R & D, moi, de par mon ancien poste de directrice de production avec 200 personnes sous ma responsabilité et en tant qu’ancienne responsable de qualité, je maîtrise davantage la partie management, process, stratégie, etc. ».
« Notre volonté est de garder l’humain au cœur de notre démarche »
Si la reprise d’entreprise comporte son lot de défis et qu’un repreneur doit étudier de près les indicateurs de gestion de l’entreprise, la dirigeante assure de son côté, « qu’il faut aussi mesurer le poids du ou des dirigeants sortants. Dans le cas de cette reprise, le risque était minime car il n’avait plus de poids commercial. L’un de nos premiers objectifs a été de faire le tour des clients existants pour leur redonner confiance et les conserver près de nous. » Bien que trois ans après la reprise, le duo a été confronté à la crise de2008 et plus récemment aux turbulences de la Covid – quoi que l’entreprise n’a pas subi de pertes, ses clients n’étant pas positionnés sur des activités fortement fragilisées – il a su maintenir l’activité et progressivement doubler les équipes passant de cinq collaborateurs à une dizaine actuellement, atteignant 1,2M € de CA en2021. « Notre volonté est de maintenir un rythme de croissance maîtrisée, d’entretenir une relation pérenne avec les clients et garder toujours l’humain au cœur de notre démarche, que ce soit du côté de nos collaborateurs ou de nos clients », explique la dirigeante « épanouie ». Depuis le début de l’aventure, elle entend manager à sa façon : « J’indique la route et le cadre et je fais confiance à mes collaborateurs. Pour leur insuffler une motivation, plusieurs composantes entrent en jeux : définir des valeurs, un cadre général, individuel, former, faire monter en compétences, consolider le travail d’équipe, appliquer le principe de subsidiarité, etc. », détaille la capitaine à bord depuis près de 17ans, qui, elle-même, a acquis des techniques au fil de ses expériences et au cours de quelques années passées au sein du Centre des jeunes dirigeants. Elle a également apporté un nouveau souffle à Dralam, équipant l’entreprise d’un ERP, et suivant également les tendances du secteur, les réseaux câblés ayant évolué mais pas seulement :
« L’IoT est un fil rouge, qui comporte des évolutions et nous faisons de nombreuses expérimentations, souligne-t-elle. Depuis cinq ans, nous faisons face à de nombreuses demandes émanant du domaine de l’IoT dans le monde professionnel. » Quid des nouveaux terrains de jeux qui s’offrent à la dirigeante et à ses équipes d’ingénieurs et de techniciens, lesquels conçoivent des systèmes de contrôle de commandes pour les équipements et développent des équipements électroniques industriels avec la gestion et la communication de données ? « Les techniques évoluent, avec des offres encore balbutiantes dans le territoire... La partie cyber sécurité devient de plus en plus stratégique pour les réseaux sans fil, tout comme l’industrie du futur (pilotage d’équipements industriels à distance, maintenance prédictive, etc.). Avec l’arrivée de nouvelles technologies mais aussi de nouveaux marchés, nous sommes confrontés à de nouveaux enjeux ». Un régal pour celle qui se délecte des avancées scientifiques et qui n’a de cesse de vouloir évoluer.
« On m’a suggéré de passer un concours d’agrégation mais, moi, je voulais travailler dans une entreprise industrielle. »
« Une entreprise, c’est bien, deux, c’est mieux », lance Marie-Armelle Bories. En effet, aux côtés de son mari, elle récidive en 2019 avec la reprise de Perax, existant depuis les années 70 et qui, pour l’heure, réunit sept collaborateurs. « Il existe un lien entre ces deux entités car l’un des fondateurs de Perax a créé Dralam 10 ans plus tard. L’enjeu réside aujourd’hui dans un travail de redressement. Nous devons aller rechercher le marché historique que l’entreprise a perdu, à savoir des solutions ouvertes et durables de télégestion des réseaux d’eau potable et d’assainissement. De plus, il existe une synergie entre les deux entreprises car les solutions sont notamment développées au sein de Dralam ». À la question de savoir si la gestion de deux entreprises ne pèse pas trop lourd dans le quotidien de la directrice, elle semble sereine. « Nous nous consacrons davantage à Perax qui a besoin de reprendre pied. Étant donné que Dralam a une bonne assise, on s’en sort ». Aujourd’hui, les deux entités sont réunies en un même lieu, à Saint-Sauveur(31), pour une meilleure cohésion.
Cette Albigeoise, née d’un père agent de maîtrise à la cimenterie d’Albi et d’une mère couturière, n’était pas prédestinée à embrasser la carrière d’ingénieur. Dans ses jeunes années, elle se rêvait plutôt « contrôleur aérien », davantage pour des raisons matérielles, reconnait-elle, que par passion de l’aviation. C’est sur le conseil d’un professeur de physique, dans son lycée privé, que le déclic opère. « Il convoquait tous les élèves pour parler d’orientation. Lorsque je lui ai suggéré mon idée, il a souri et m’a soufflé “Vous pouvez faire mieux, devenir ingénieur” », se souvient-elle.
Marie-Armelle Bories garde cette idée en tête et tente sa chance. La militante dans l’âme, bac scientifique en poche, devient diplômée des Hautes Études d’Ingénieurs à Lille en 1981, la seule fille de sa promo. « Je ne comprenais pas pourquoi j’étais la seule femme. » Au sortir de ses études, elle refuse une proposition. « On m’a suggéré de passer un concours d’agrégation pour devenir professeur de technologie car cela correspondait davantage à ma position de femme mais, moi, je voulais travailler dans une entreprise industrielle. »
Trois mois plus tard, la jeune femme décroche son premier job, avec, confie-t-elle « un peu plus de difficultés que ses homologues masculins », chez Esswein où elle occupe le poste de responsable qualité de l’unité de montage lave-vaisselle pendant trois ans. « J’étais la deuxième femme cadre embauchée chez Esswein. Cette entreprise prenait à l’époque le risque de confier des postes à responsabilité à de jeunes diplômés. La moyenne d’âge était de 30 ans et quand je suis arrivée, j’en avais seulement23, soulève-t-elle. J’ai chapeauté une quinzaine de personnes et j’ai dû négocier avec des syndicalistes, ce qui m’a valu des nuits blanches ». Elle intègre ensuite le service après- vente du groupe Savema en tant que responsable technique pendant également trois ans.
Vie de Famille
Au moment de devenir mère pour la première fois, Marie- Armelle Bories, fait le choix de se rapprocher de son compagnon de l’époque et de revenir dans sa région natale. En 1988, elle devient responsable qualité au sein du groupe montalbanais Bouyer, spécialisé dans des systèmes de sonorisation de lieux publics, avant d’évoluer à la direction de la production. S’en suivent des difficultés liées aux changements multiples de directive. « Ces changements ne me convenaient plus, finalement mon licenciement fut une belle opportunité. »
L’heure de la retraite approchant à grand pas, les enjeux résident également aujourd’hui pour la directrice dans la transmission de ses deux entreprises. « Nos six enfants n’y sont pas enclins », regrette Marie- Armelle Bories. Mais, assure-t- elle, « je ne lâcherai pas le bateau pour autant. C’est vital pour moi. Mon mari d’ailleurs est officiellement à la retraite depuis des années et pourtant, il aide toujours à la prise de décision et continue d’arpenter les locaux des sociétés ».
La peur du vide et de l’ennui pèse-t-elle sur cette femme active ? La présidente du GIPI depuis huit ans, qui s’apprête à passer le flambeau pour s’investir auprès du pôle Aqua-Valley – qui accompagne le développement économique de la filière régionale de l’eau pour répondre aux enjeux sanitaires, sociaux –, entend bien la contourner. Fière d’avoir également féminisé les adhérents du GIPI, elle envisage à moyen terme de mener des actions auprès des écoles pour attirer les talents féminins dans le milieu de l’industrie. En parallèle, elle est également élue à la chambre de métiers de la Haute-Garonne depuis 2016, et à la Chambre de commerce et d’industrie Haute-Garonne depuis un an. Elle est devenue vice-présidente de la commission industrie en octobre. Une autre casquette en vue de porter la voix des TPE et PME régionales. Son leitmotiv ? Trouver des solutions à plusieurs.