Michael Toplis : « Faire de Toulouse une grande université de recherche à l’échelle internationale »
Faire du site académique toulousain UNE Grande Université de Recherche française, c’est le job ô combien ardu qui a été confié le 7 avril dernier à Michael Toplis. Ce natif de Weymouth, au sud de l’Angleterre, vient en effet d’être élu président de l’Université de Toulouse, nouvelle appellation de la communauté d’universités et d’établissements expérimentale créée le 1er janvier dernier qui succède à l’Université fédérale de Toulouse.
Elle réunit 15 établissements d’enseignement supérieur et de recherche et compte quelque 17 000 enseignants, chercheurs et personnels administratifs pour 110 000 étudiants.
La création de l’Université de Toulouse est une étape majeure pour le site toulousain, qui cherche désespérément, depuis l’échec de son maintien au label d’excellence Idex, en 2016 et 2018, le moyen de rebondir et de trouver sa place dans le concert des grandes universités de renommée internationale.
Faute d’un effort d’intégration suffisant, le site toulousain avait dû renoncer aux importants moyens financiers attachés à l’époque à l’obtention du label, soit 25 M€ par an… En 2021, une nouvelle occasion a été donnée aux sites universitaires, dans le cadre cette fois de l’appel à projet du Programme d’investissements d’avenir, PIA 4, intitulé « Excellence sous toutes ses formes », doté toutefois de moyens bien moindres.
« Le risque pour le site académique toulousain était de perdre en visibilité et en capacité d’action face à des sites équivalents tels que Grenoble ou Marseille qui, en ayant su faire émerger des projets très intégrés, ont pu disposer de moyens conséquents, rappelle Michael Toplis. Il s’agissait donc sans doute de la dernière chance pour Toulouse de porter un grand projet lui permettant d’être pleinement et justement reconnu pour ses forces ».
Une opportunité qu’a su saisir la communauté scientifique, sous l’impulsion du professeur Patrick Lévy, chargé par la Région Occitanie et Toulouse Métropole d’une sorte de mission de bons offices, à savoir accompagner les différentes parties prenantes dans l’élaboration d’un projet de transformation institutionnelle.
La réponse toulousaine à l’APP a pris la forme du programme Tiris (Initiative toulousaine d’excellence pour un impact de la recherche sur la société), labellisé dans le cadre du PIA 4 en juillet 2022, avec pour conséquence la création en début d’année de l’Université de Toulouse. Un programme scientifique construit et porté par Michael Toplis « avec les acteurs de terrain », assure ce dernier, socle d’une transformation institutionnelle « adaptée à la réalité du site, de ses forces, de ses aspirations ».
Installé depuis près de 20 ans à Toulouse, le Britannique est devenu planétologue et directeur de recherche au CNRS, après des études de géologie. En Angleterre, au lycée, il brille dans trois matières, les maths, la physique et la chimie avant de découvrir la géologie à l’université de Cambridge.
« Appliquer les maths, la physique et la chimie pour mieux comprendre le fonctionnement de la planète Terre, la démarche m’a beaucoup plu », se souvient le scientifique qui se définit comme un « physico-chimiste appliqué à la géologie puis à la planétologie ». Durant son doctorat à Bristol, l’étudiant traverse le Channel pour passer une année à Nancy.
Une fois soutenue sa thèse sur les roches magmatiques au Groenland, Michael Toplis effectue un post-doc à l’Institut géologique de Bayreuth. Dans la foulée, l’intéressé obtient un poste de chargé de recherche au CNRS, dans un des meilleurs laboratoires européens dans son domaine, au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, où il obtient son habilitation à diriger des recherches.
Il y travaillera près de huit ans. C’est le directeur de ce laboratoire qui l’encourage à choisir entre volcanologie et planétologie. En 2004, Michael Toplis rejoint Toulouse et l’Observatoire Midi-Pyrénées, qui fédère aujourd’hui 10 laboratoires des sciences de l’univers, de la planète et de l’environnement, « un environnement scientifique exceptionnellement riche ».
Il y poursuit ses recherches sur les roches magmatiques, notamment sur les dorsales médio-océaniques et sur les matériaux vitreux. « Les roches volcaniques, c’est du sable fondu, au même titre que le verre à vitre, explique Michael Toplis. C’est ce qui m’a conduit à travailler sur des projets de recherche plus appliquée. » Il encadrera ainsi cinq thèses Cifre au sein du groupe Saint-Gobain et trois autres avec le CEA.
Ses travaux en planétologie l’amènent aussi à collaborer à plusieurs missions spatiales, dans le cadre de projets portés par la Nasa, notamment la mission Dawn, lancée en 2007 qui visait à étudier les deux plus grands astéroïdes du système solaire, Vesta et Cérès. « J’ai travaillé sur l’interprétation des données issues de ces missions », détaille Michael Toplis qui exercera un mandat de cinq ans à la tête de l’OMP, jusqu’en décembre 2022. Michael Toplis consacre désormais toute son énergie à sa nouvelle mission, « un boulot à temps plein ».
Son objectif est, dans un délai de deux ans, de sortir de l’expérimentation pour « proposer un format stable » et enfin
« Mettre Toulouse sur la carte, à la fois académiquement, à savoir faire en sorte que l’Université soit capable de faire émerger les ruptures conceptuelles et technologiques de demain, mais aussi politiquement, c’est-à-dire être reconnue comme une Grande Université de Recherche dans le paysage national et international. »
Prochaine échéance : répondre aux attentes du ministère en termes d’intégration des différents acteurs.
Ce qui passe par des choses très concrètes telles que la délivrance du doctorat par l’Université de Toulouse ou la signature unique des publications scientifiques. « Il faut que chacun saisisse les opportunités de promouvoir les dynamiques gagnant gagnant apportées par l’intégration des forces opérationnelles du site et par une marque “Université de Toulouse” reconnue dans les palmarès internationaux », assure-t-il.
S’il reste encore un peu de travail pour réunir tous les marqueurs d’une Grande Université de Recherche, à savoir « des stratégies de recherche, de formation et à l’international communes, une signature unique, des éléments de diplomation, tel le doctorat, communs et une politique RH et budgétaire partagée », « on a déjà fait un bon bout de chemin en ce sens », précise Michael Toplis, qui pointe « une sorte de responsabilité devant l’Histoire ».
« Il faut absolument que nous parvenions à mettre en valeur le potentiel scientifique hors-norme du site toulousain. Car le danger à terme, c’est que les meilleurs talents partent ailleurs, là où ils disposeront de plus de ressources et d’un environnement de travail plus propice à la recherche », reconnaît le président avant de conclure : « Tout est réuni pour que ça marche.On peut réellement faire quelque chose d’extraordinaire. C’est maintenant qu’il faut donner, collectivement, ce coup de collier pour réaliser l’objectif. »