« Embarquer les équipes dans une belle aventure », ces mots reviendront souvent dans la bouche de Patrick Zmirou lors de l’entretien, tel un fil conducteur. Président de l’ETI montalbanaise Fauché, il s’est vu remettre le prix de l’Entrepreneur de l’Année Région Occitanie décerné par EY, cabinet d’audit financier et de conseil. « C’est surtout une fierté pour l’entreprise, ce n’est pas qu’un prix personnel. J’aurais préféré que cette distinction concerne l’entreprise car, pour moi, un entrepreneur, sans ses équipes, n’existe pas », tient-il à souligner. Avec un CV qui en ferait pâlir plus d’un et après une belle carrière effectuée dans les métiers de l’installation électrique dans des groupes cotés spécialisés dans les services à l’énergie (Spie, Vinci, Engie…), en 2014, il accepte de prendre les commandes de l’entreprise Fauché, en vue de la redresser. Un challenge que prend à bras-le-corps Patrick Zmirou, alors tout juste quinqua, avec cette envie « d’assumer une vraie responsabilité entrepreneuriale dans un groupe à taille humaine et de participer à la création de valeurs dans une logique d’équipe ».
Au côté de Philippe Touyarot, président du conseil de surveillance, il met en place pendant deux ans une nouvelle stratégie. « Les fondations étaient solides, le groupe jouissait d’une certaine notoriété, pourtant sa santé financière n’était pas très bonne. La problématique était de comprendre comment mettre les atouts de l’entreprise au service de l’amélioration de la performance ? L’organisation n’était pas adaptée aux modes de fonctionnement de l’entreprise, d’où le passage d’un management pyramidal à un fonctionnement collectif. Nous avons aussi cherché à décentraliser davantage, à densifier nos présences territoriales, à optimiser l’organisation pour qu’elle soit au plus près des préoccupations de nos clients », souligne le président. Résultat : l’entreprise a doublé ses rangs passant de 1000 à 2000 collaborateurs. Le CA, a lui, progressé de 100% en six ans, atteignant 287 M€, avec près de 100 implantations sur le territoire national. L’entreprise, fondée en 1963 – à Lafrançaise dans le Tarn-et-Garonne, basée aujourd’hui à Montauban – par un visionnaire, Jean-Pierre Fauché, a été cédée en 2011 dans une démarche là encore évolutive.
En effet, l’entreprise a ouvert son capital aux collaborateurs. « Lors du premier LBO, les salariés détenaient 11 % du capital. Depuis mars 2022, et deux opérations plus tard, la part de capital détenu par les équipes atteint 80%. C’est un engagement supplémentaire pour écrire une histoire entrepreneuriale ambitieuse et durable », précise Patrick Zmirou. Le chef d’orchestre ambitionne de poursuivre une croissance maîtrisée – avec 90% de croissance organique. Sur la feuille de route qui court jusqu’en 2024, figure notamment une dizaine d’implantations supplémentaires prévues l’année prochaine. « Nous souhaitons renforcer notre présence dans certaines zones comme l’Ile-de-France, le Nord, l’Est et en parallèle nous concentrer sur les services à l’énergie. Cela devient une préoccupation majeure aujourd’hui, l’énergie devenant progressivement une denrée rare. »
Saisir les opportunités
À la question de savoir s’il a quelques inquiétudes quant à l’avenir de l’entreprise en raison des crises successives et des augmentations des coûts de l’énergie, il se veut plutôt rassurant. « Nous sommes les hommes et les femmes des coulisses qui maîtrisent l’ensemble des compétences à savoir la conception, la réalisation et la maintenance des installations électriques (interrupteur, tapis pour les bagages, balises lumineuses sur les pistes d’aéroport, éclairage des salles de classe, des infrastructures sportives, etc.). Aujourd’hui, nos clients – notamment les entreprises du tertiaire, les acteurs des infrastructures ferroviaires, aéroportuaires, portuaires ou routières, les industriels qui représentent plus de 80 % de notre CA, les 20% restant étant portés par la commande publique – ont de plus en plus besoin d’installations pérennes, et moins énergivores. Nous devons les accompagner dans ce sens. Nous avons à la fois un métier de réalisation et de conseil. »
« À l’aube de la soixantaine, je souhaite apporter un éclairage différent. Pour ma part, j’ai toujours pu compter sur mes pairs et je n’entends pas ne pas continuer à transmettre »
Le titre de président sied ainsi parfaitement à Patrick Zmirou, lequel considère aujourd’hui être à sa place, résumant ainsi ses convictions et son parcours professionnel jalonné d’expériences très complémentaires. Celui qui a eu la bougeotte, saisissant les opportunités qui se présentaient, est un entrepreneur dans l’âme, mais à sa manière. Bien que les métiers de l’énergie définissent sa vie, c’est pourtant grâce à l’informatique, que ce natif de Neuilly-sur-Seine en est arrivé là. Un bac scientifique en poche, le jeune adulte, passionné de cinéma – qui a passé les premières années de sa vie au Ghana, suit, sur les conseils de ses parents, la voie de l’informatique, un secteur alors sur le point d’éclore. « Ma mère secrétaire et mon père comptable de formation pressentaient que l’informatique allait prendre beaucoup d’ampleur. Mais ce milieu ne m’a pas plu car à l’époque l’entre-soi était de rigueur entre informaticiens, persuadés de détenir un savoir qu’eux seuls devaient garder. »
Un an après l’obtention de son diplôme de l’école d’ingénierie informatique (EPSI), il rejoint, en 1986, le groupe Spie-Batignolles (devenu Spie). Il a pour mission de co-développer le système TEFAO – Télésurveillance de l’éclairage public et des feux tricolores assistée par ordinateur, lequel sera breveté, avant d’évoluer en tant qu’ingénieur technico-commercial, au sein de la direction commerciale France. Trois ans plus tard, on lui tend la main pour intégrer le leader français du marché de la régulation de trafic et de la signalisation lumineuse tricolore, Garbarini SA, où il devient directeur des ventes et membre du comité de direction pendant deux ans. « Je mettais à profit mes bases techniques, et c’est à ce poste que j’ai découvert les techniques commerciales, le management, etc. Cependant, l’aspect entrepreneurial, la gestion des budgets, et le fait de construire quelque chose me manquaient », confie-t-il.
Continuer à transmettre
Patrick Zmirou ouvre alors un autre chapitre professionnel avec SDEL (filiale SGE, Groupe Générale des Eaux, devenue Vinci) en tant que chargé d’affaires, puis directeur d’agences pour la télédistribution, les réseaux câblés et les grands travaux. Ayant fait le tour de ses responsabilités, il délaisse cette expérience pour l’entreprise SGTE travaux électriques (filiale SEEE) où il découvre le milieu du tertiaire, une corde qui manquait à son arc. Il y reste trois ans et demi. Là encore, la chance lui sourit. Un de ses anciens patrons, dirigeant chez Fayat Énergie, lui propose de le rejoindre. Patrick Zmirou saute sur l’occasion et devient directeur du département tertiaire IdF, avec un périmètre très large. Cette aventure tourne court lorsqu’il est encore une fois sollicité par l’ancien président de la filiale SEEE, qui vient de fonder INEO, groupe Engie (ex GDF Suez), devenu depuis Equans. Le quadra monte à bord d’un paquebot où il prendra différentes casquettes. D’abord en tant que directeur régional en Ile-de-France puis en Paca. Il revient ensuite à Paris, laissant sa famille dans le sud, pour prendre le poste de directeur du pôle France Nord, puis enfin celui de directeur général adjoint où il pilote un périmètre de responsabilité qui atteint 600 M€ et 4000 collaborateurs.
« Mes différentes responsabilités ont été très formatrices. Il s’agissait à la base d’une fusion de la société GTMH, de Verger Delporte (VD), de l’Entreprise Industrielle (EI) et de SEEE. Il fallait notamment rebâtir une organisation à partir des modèles existants. C’était grisant ». Après une belle évolution, il tourne cette page professionnelle qui sera, à ce jour la plus longue : 15 ans. Aujourd’hui, ce père de famille de deux grands enfants (27 et 30 ans), s’implique également dans la transmission du savoir. En 2019, il crée la Fauché School avec trois objectifs : fidéliser ses collaborateurs, les faire monter en compétences et apporter une réponse à la pénurie de main-d’oeuvre en proposant des parcours de formation. « Depuis sa création, 600 collaborateurs sont passés par là, et 20 000 heures de formation ont été dispensées soit par des collaborateurs de l’entreprise, soit par des formateurs avec qui nous construisons les modules », se réjouit celui qui rêve de mentorer d’autres responsables dans son entreprise ou dans d’autres entités. « À l’aube de la soixantaine, je souhaite apporter un éclairage différent. Pour ma part, j’ai toujours pu compter sur mes pairs et je n’entends pas ne pas continuer à transmettre », conclut-il.