S’il y a bien un mot qu’affectionne particulièrement Rémi Roux, c’est le mot éthique qui a donné naissance à Ethiquable, la chocolaterie responsable installée à Fleurance, dans le Gers. L’unité de production a été créée en 2003.
« Ethiquable n’est pas une entreprise comme les autres, nous avons choisi le statut de Scop pour afficher notre différence et dire haut et fort qu’on peut acheter, produire, vendre et travailler autrement, en respectant les hommes, la terre et les produits. »
Les trois fondateurs : Rémi Roux, Stéphane Comar, Christophe Eberhart sont complémentaires. « Stéphane a longtemps été volontaire au Mali avec Christophe. Nous étions dans la même école de commerce et avons créé une association pour travailler dans l’agroalimentaire. Nous avons vite compris qu’il n’y avait pas de vraie marque de commerce éthique en grande distribution. On a décidé de se lancer, le statut de Scop nous semblait particulièrement adapté. À nous trois, on totalisait 45 ans d’expérience dans l’agroalimentaire. On a créé la Scop pour ne pas se faire racheter, on ne voulait pas laisser la porte ouverte aux fonds d’investissement. »
Stéphane Comar occupe le poste de directeur financier et qualité. Christophe Eberhart a la charge du développement des produits. Rémi Roux est à la tête de la direction commerciale. Il est par ailleurs président du conseil d’administration de l’Union régionale des Scop d’Occitanie (Urscop).
Travailler avec les producteurs d’ici et d’ailleurs
Ethiquable participe activement à la création de nouvelles filières autour du chocolat, du café et du thé dans les pays en voie de développement. Dernier chantier réalisé : la construction d’une usine de fabrication de cacao au Pérou. L’entreprise compte 22 organisations de producteurs partenaires.
« En 2008, nous sommes allés plus loin, on a imaginé un commerce équitable pour les producteurs français. On a créé la gamme Paysans d’ici ». Une première validée par la loi ESS portée par Benoit Hamon en 2014, alors ministre délégué à l’économie sociale et solidaire.
Rémi Roux et ses associés travaillent beaucoup sur la transition écologique. « C’est notre cœur de métier, on fait des choix sur la fabrication du produit. Être indépendant, nous permet de ne pas rendre de compte à des financiers. Depuis le début, on fait autrement, on achète le plus cher possible pour donner le meilleur aux producteurs. 42 % du prix payé revient à celui qui produit. »
Rémi Roux répétera à plusieurs reprises au cours de notre entretien qu’Ethiquable est un outil de travail qui appartient aux salariés. Les recrutements se font essentiellement sur des postes de production. Tous les deux ans, les collaborateurs (à tour de rôle) partent en Amérique latine, visiter des coopératives de cacao et de café. Quant au dirigeant, il continue à faire le tour des centrales d’achat de la grande distribution pour négocier les prix.
« Je continue à me battre »
Co-fondateur du Mouvement national des Entrepreneurs sociaux, Rémi Roux a également créé le Jardin de Cocagne à Fleurance, un chantier d’insertion.
« C’est un vrai engagement, car d’ici à 2050, on va perdre 40 % des terres cultivables. On ne pourra pas nourrir toute la planète, il faut revenir à une agriculture résiliente. »
C’est aussi pour cette raison qu’Ethiquable a choisi de ne pas produire de dosettes de café en aluminium. « C’est une aberration écologique, on a accepté de se couper de 30 % du marché. »
L’entreprise est persuadée que l’agriculture biologique est une des clés pour lutter contre le dérèglement climatique. « Prenez l’exemple de l’élevage intensif : il génère un tiers des émissions de gaz à effet de serre. » En 2015, elle a lancé ses premières formations à la fabrication de biofertilisant chez les producteurs pour régénérer les sols et dynamiser la fertilité des parcelles en toute autonomie.
En 2023, 25 coopératives dans 10 pays ont été formées.
« La vente de produits bio fonctionne bien, Ethiquable arrive en 3e position en grande surface, ajoute Rémi Roux. En sortie de crise, en 2013, on a élargi notre gamme, on a multiplié par quatre notre chiffre d’affaires. »
La planète est le terrain de jeu d’Ethiquable, mais c’est à Fleurance que l’entreprise a toutes ses attaches. « On fait de l’agriculture paysanne, c’est cohérent de créer de l’emploi dans une petite ville, d’ailleurs le maire a rebaptisé la rue d’Ethiquable, la rue du commerce équitable. »
20 millions de tablettes vendues par an, 10 000 points de vente en France, sans faire de pub : l’entreprise utilise les emballages de ses produits pour véhiculer sa communication. Elle a également décidé d’ouvrir les portes de la chocolaterie espérant 10 000 visiteurs par an.
Père de deux grands enfants, Rémi Roux a fait passer les bons messages, il est fier de leurs engagements en faveur de l’environnement. « Le commerce équitable remet les producteurs et l’être humain au centre. Lorsque j’interviens à l’école d’agronomie de Paris, je dis toujours aux étudiants : partout où vous serez, essayez de transformer les choses, vos petits-enfants seront fiers de dire que leur papy était un militant. »