Stéphane Marcel
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Stéphane Marcel

En mission.

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Photo de Stéphane Marcel
(Crédit : INVIVO)

Vingt ans, le bel âge ? Pour Créalia, fonds d’amorçage fondé en 2003 dans l’ex-région Languedoc-Roussillon, on serait tenté de le croire. La structure dont le champ d’action s’étend, depuis la fusion, sur tout le territoire de l’Occitanie, finance les créateurs d’entreprise innovante au démarrage de leur activité – à ce moment très risqué de la vie des start-up où les financeurs ne se bousculent généralement pas – par le biais de prêts sans intérêt, sans garantie personnelle, dont le montant peut atteindre 100 K€.

Depuis sa création, ce sont ainsi 24,2 M€ qui ont été injectés dans le développement d’activités innovantes. Soit plus de 1 000 prêts accordés pour 576 projets, représentant la création de près de 5 000 emplois. Les sommes prêtées proviennent de dons de partenaires privés et de fonds publics de la Région, de Bpifrance et de l’Europe. Chaque année, ce sont ainsi quelque 2,5 M€ qui financent le démarrage d’entreprises innovantes, quel que soit leur secteur d’activité : numérique, agriculture, alimentation, énergie, biotechs, fintechs, bâtiment…

Un bilan qui fait la fierté de Stéphane Marcel. Sous l’impulsion de Georges Frêche, ancien maire de Montpellier et ancien président de la Région Languedoc-Roussillon, il a été élu président de Créalia en 2008.

Le quadra met également en avant d’autres chiffres flatteurs : la part des femmes dans la gouvernance des entreprises accompagnées financièrement par Créalia (45 %), le pourcentage très élevé de structures ayant engagé une démarche RSE (60 %), ou encore leur taux de pérennité.

« Il est de 92% à trois ans et de 84 % à cinq ans. Des niveaux très supérieurs à la moyenne nationale ». De belles performances dues, selon lui « à la qualité des projets mais aussi au fait que nous obligeons les porteurs de projet à être accompagnés par un dispositif local : une pépinière d’entreprises du RésO Incubateurs Pépinières + par exemple, une plateforme d’initiative locale du Réseau Initiative France, le Réseau Entreprendre… Nous souhaitons que ces entreprises soient, non pas biberonnées, mais accompagnées, pour leur permettre d’une part, d’éviter certains écueils et de gagner du temps et d’autre part, de financer les étapes suivantes via des levées de fonds ou des prêts bancaires ».

Deux décennies plus tard, Créalia vient d’adopter le statut d’association à mission, une première pour un fonds d’amorçage. De quoi rendre plus exigeant encore l’important travail de sélection qu’effectue l’équipe de salariés (six au total, dont quatre à Montpellier et deux à Toulouse) réunie autour de Stéphanie Berrahma, sa directrice déléguée.

Une analyse qui prend en compte, explique-t-il, « le caractère innovant – que cette innovation de rupture soit technologique ou de service –, la qualité des porteurs du projet (et leur capacité à éventuellement pivoter), l’effet de levier que le soutien de Créalia peut entraîner et l’impact économique local. »

De fait, poursuit le président de la structure, « prendre en compte les enjeux environnementaux et économiques et s’assurer de l’impact positif de nos actions, nous le faisons depuis toujours ! Nous assumons en effet parfaitement le fait d’associer impact environnemental et social et développement économique. Pour nous, c’est complémentaire. »

On peut citer de très belles réussites parmi ces pépites, telles Bulane, Teads, CILcare, Vaonis, etc. Certaines sont d’ailleurs devenues des souscripteurs de Créalia et soutiennent son action. « Une manière pour ces chefs d’entreprise de renvoyer l’ascenseur ». C’est justement ce sentiment qui a conduit Stéphane Marcel à prendre il y a quinze ans la présidence de Créalia.

Il a lui aussi, explique-t-il, « bénéficié de l’écosystème local formé par les collectivités, Oseo-Anvar (aujourd’hui Bpifrance), et le Business Innovation Centre (BIC) de Montpellier dont il fut l’un des premiers incubés ». En 2008, il est à la tête d’une entreprise en pleine croissance, Néotic, fondée à Montpellier avec trois autres partenaires sept ans plus tôt, un éditeur de logiciels dédiés au secteur agricole.

Une passion pour l’entrepreneuriat

C’est à la fin de son parcours dans le supérieur que ce natif d’Avignon, titulaire d’une maîtrise en biologie marine et d’un diplôme d’ingénieur agronome de Montpellier SudAgro, se découvre une passion nouvelle. « J’avais envie de faire de la recherche en ichtyologie et sur les céphalopodes, se souvient l’intéressé, c’était mon dada. Mais mes études d’ingénieur ont révélé quelque chose qui était enfoui en moi : l’entrepreneuriat. »

Une envie d’entreprendre qu’il mettra très vite en pratique. Malgré l’effondrement de l’économie mondiale suite aux attentats du World Trade Center, puis l’éclatement de la bulle internet en 2001, Néotic développe rapidement du chiffre d’affaires ; dès 2003 ouvre son capital à des investisseurs et connaît 50% de croissance par an jusqu’en 2006.

L’arrivée d’investisseurs industriels permet à la pépite héraultaise de racheter d’autres entreprises aux activités complémentaires. S’en suit la création de Smag, pour Smart Agriculture, spécialisée dans le big data agricole, une entreprise qui compte aujourd’hui 150 personnes, équipe 30 000 agriculteurs en France et gère 10 millions d’ha dans ses bases de données, devenue en 2014 une filiale du groupe coopératif InVivo.

Quatre ans plus tard, Stéphane Marcel quitte la présidence de Smag pour prendre de nouvelles responsabilités au sein d’InVivo. Il est aujourd’hui directeur de la transformation digitale du groupe. « Mon directeur m’a demandé d’exécuter cette transformation en mode entrepreneurial, détaille-t-il. »

« C’est, en quelque sorte, ma marque de fabrique : je sais créer des choses à partir de rien et rapidement les faire se développer. »

« Cela m’a amené à créer deux entreprises : d’une part InVivo Digital Factory, filiale de la holding InVivo, qui compte 120 personnes, dans laquelle nous développons des produits digitaux pour nos métiers ; et d’autre part Aladin.farm, une market place destinée aux coopératives agricoles et à leurs agriculteurs qui peuvent se fournir en intrants. Elle fait déjà 230 M€ de CA. »

Installé dans un petit village près de Montpellier où il peut se ressourcer, Stéphane Marcel fait aujourd’hui des allers retours fréquents entre l’Hérault et le siège du groupe, avenue de la Grande Armée, à Paris.

Quand il ne mène pas, à titre bénévole comme pour Créalia, son activité de président du conseil de surveillance de l’Agence régionale des investissements stratégiques (Aris), un poste qu’il occupe depuis 2021 à la demande de Carole Delga, présidente de la Région Occitanie. Une autre facette de l’accompagnement financier des entreprises. D’autres montants aussi, puisque la collectivité entend, grâce à ce dispositif, soutenir les projets de réindustrialisation sur le territoire régional. « Un travail de long terme, qui va nécessiter beaucoup d’argent mais on a les moyens de le faire. L’Occitanie jouit d’une superbe attractivité », conclut-il.