« La chance se provoque »… Le message est tellement à l’image du personnage ! De fait, lorsqu’il évoque son parcours professionnel, Steve Gallais le reconnaît : « rien n’a été facile. C’est un peu l’histoire de ma vie ». Avant d’ajouter humblement : « En même temps, je n’ai pas trop à me plaindre ». À raison. Le professionnel vient en effet de recevoir pour Verywell, l’agence qu’il a créée à Toulouse en 2007, le prix de l’Agence de communication en région de l’année, à l’occasion de la 42e édition du Grand Prix des Agences de l’Année. Un titre remis à Paris en grande pompe, sous le parrainage du ministère de la Culture, en présence des grandes pointures de la profession. Pour le Toulousain, il s’agit d’une « belle reconnaissance », qui offre à l’agence « une chouette visibilité » et qui surtout l’« encourage à poursuivre » dans la voie qu’il s’est tracée.
Un chemin particulièrement semé d’embûches qui n’empêche pas l’équipe de Verywell – 35 personnes aujourd’hui installées dans tous les recoins du manoir qu’elle occupe depuis six ans, le long des allées des Demoiselles à Toulouse – de remporter chaque année de nombreuses récompenses – 25 l’an dernier – et d’enregistrer une croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires (+28% en 2021). Une belle revanche après deux années de crise sanitaire qui ont pas mal bousculé le secteur de la com et mis à l’arrêt pendant deux ans toute l’activité de sa branche événementiel. Un laps de temps pendant lequel, « plutôt que de se plaindre, de faire le dos rond, en attendant que ça passe, on a eu plein d’idées », assure Steve Gallais.
Changement de positionnement, réorganisation : l’agence en a profité pour se structurer en créant des entités dédiées, à l’événementiel, au digital, à la communication, jusqu’à la petite dernière Verywell Travel créée en mars. L’homme clé de l’agence a musclé son staff en nommant Coralie Ducourneau au poste de directrice générale, mais aussi recruté de nouveaux talents et développé des formations pour faire monter en compétence ses collaborateurs… Objectif : montrer qu’« une agence de communication indépendante en région peut avoir les mêmes atouts qu’une grande agence de pub parisienne ». La pépite toulousaine, qui engrange les contrats avec des marques nationales telles que Viasanté ou Quézac, a surmonté la crise et réussi sa mue. Elle est parée… pour la prochaine crise ? De fait, ce n’est pas la première fois que le patron de Verywell est contraint de se remettre en cause.
Changement de parcours
C’est même presque devenu une seconde nature chez ce Toulousain que rien ne prédestinait à surfer sur les vagues de la com. Élève au lycée Fermat, il obtient un bac S spécialité bio, « mais je ne me voyais ni biologiste ni prof de maths. » Non, il se rêve golfeur professionnel. Une véritable passion pour ce gamin à « l’enfance un peu compliquée ». Passion qu’il pousse loin, jusqu’à devenir « vice champion de France benjamin ». Mais le rêve tourne court lorsqu’il s’aperçoit, en accompagnant, l’été, des joueurs sur le circuit professionnel, « qu’ils ne dormaient pas à l’hôtel mais sur le parking, dans leur voiture ! De fait, il n’y avait que les quatre ou cinq meilleurs Français qui parvenaient à bien en vivre ». Steve Gallais, qui est loin de compter parmi ceux-là, déchante. Exit le golf. C’est son autre passion, qui, à travers les voies tortueuses du destin, va le guider.
Depuis l’âge de 16 ans, le lycéen pratique le graffiti, un art de rue illégal à l’époque. « À ce moment-là, pas mal de mes copains avaient des problèmes d’abus de droit. Il faut savoir qu’un graffiti reste l’oeuvre d’un artiste. Or, pas mal de marques récupéraient les oeuvres en faisant une séance photo devant un graff pour vendre un jean par exemple, sans avoir versé un dédommagement à l’artiste. Ce qui serait inconcevable dans un musée. Mais à l’époque, c’était très peu encadré. Il n’y avait pas d’avocat spécialisé, et ceux qui exerçaient en propriété intellectuelle étaient plus tournés vers les marques que vers l’art. J’ai donc décidé de faire du droit pour essayer de devenir l’avocat de mes potes. » Entre Fermat et la Fac de droit, c’est un radical changement d’ambiance. L’étudiant découvre la Corpo et commence à organiser des événements étudiants. « Ça a bien marché, tant et si bien que je vivais plus la nuit que le jour pendant cette première année. Et comme 80% des inscrits, je l’ai repiquée ».
« On a événementialisé notre changement de nom, ce qui nous a littéralement propulsés. »
Les études qu’il a choisies lui paraissent vite « interminables ». Le destin met alors sur sa route Jean-Christophe Tortora, actuel président de La tribune, un habitué de ses soirées. « Un jour, il m’a demandé si je connaissais quelqu’un pour s’occuper de Pure Virus, un magazine destiné aux jeunes actifs dans le groupe de presse qu’il venait de monter, Himalaya Communication, devenu Hima Média. J’ai réfléchi une seconde et puis je me suis dit que cette personne, c’était moi, en fait ! » Le patron de presse se laissera convaincre et prendra Steve Gallais en stage. Suivront quatre années de folie pendant lesquelles, ils développeront outre le mensuel papier, une version hebdomadaire de Pure Virus pour TLT et une émission de radio… « C’était génial parce que j’avais tout à apprendre, je ne savais rien faire. J’étais un total profane, pas du tout un littéraire. Il a fallu que j’aie tout de suite de la rigueur, parce que j’ai rapidement commencé à manager une équipe, à devenir directeur de l’édition puis des éditions puisqu’on a fait des hors-séries. Je n’avais pas le choix si je voulais être légitime et crédible à ce poste. »
Impacté par la crise
Steve Gallais collabore à d’autres titres, devient correspondant pour d’autres maisons de presse. En 2006, brutal coup d’arrêt. Hima Média est revendu au grand quotidien local qui a bien l’intention de « normaliser une façon de travailler complètement anarchique ». Mais au bout de quelques semaines, « je me suis ennuyé parce que toutes mes convictions étaient mises au tapis, toutes mes idées, on les bridait », se souvient Steve Gallais. Il quitte le groupe. Contraint par une clause de non-concurrence, il change d’univers pendant un an, devient tourneur pour un ami DJ. S’en suivent des tournées en Europe et au Maroc. Grâce à un marketing bien huilé, ces soirées « One day we love » font salle comble à chaque fois, alors que « l’artiste n’a jamais sorti de CD ! » Mais au bout d’un an, le monde de la nuit finit par le lasser. « On n’allait pas faire ça toute notre vie ».
Chacun repart de son côté. En 2007, libéré de ses obligations, il crée Wellcommunication, une maison d’édition, « en vue de sortir un guide annuel, Toulouse Afterwork, destiné aux jeunes actifs, axés sur les loisirs et les sorties, puis Toulouse Golf. On avait plein de projets de titres à venir, l’un sur le sport, dédié aux clubs toulousains, ou encore Toulouse News, un magazine d’informations indépendant, puisqu’il n’en existait plus dans la Ville rose. Le projet était le suivant : un guide annuel qui assurait la trésorerie et permettait de payer les salaires pendant un an et d’autres titres pour aller occuper des parts de marché, avec une offre de régie pub adaptée et un contenu avec un vrai lectorat. » Dans un monde idéal, c’est ainsi que les choses auraient dû se passer, sauf qu’en 2008, survient la crise de subprimes. « On s’est douté qu’on allait prendre une gifle. On vendait de la pub dans des magazines locaux, alors autant dire que c’est la première ligne que les annonceurs allaient stopper. »
Transformer les contraintes en atouts
Il doit trouver une solution « pour sauver ses salariés ». « J’ai proposé à nos annonceurs, principalement les bars et les restaurants du Toulouse Afterwork, de nous prendre comme agence de com pour réaliser leurs flyers, leurs menus, leurs cartes de visite, puisqu’on avait des graphistes, des rédacteurs… Ça a commencé comme ça. C’était super-ingrat, mais ça permettait de payer les salaires. Au final, on a vite pris le monopole sur cette activité et rapidement, ces clients nous ont recommandés à d’autres TPE-PME qui sont devenues à leur tour nos clientes. La baisse d’activité qu’on attendait sur les titres s’est bien produite, mais elle a été largement compensée par notre activité de petit studio de création. C’est allé même plus loin, puisqu’on a commencé à nous demander des sites web, à nous proposer de faire des événements et comme c’est un peu l’histoire de ma vie, forcément on a dit oui, ce qui veut dire embaucher d’autres collaborateurs. En 2011, on a fini par recruter aussi des chefs de projet pour coordonner le tout. C’est comme ça qu’on est devenu un gros studio 360°. »
L’agence remporte des prix pour des campagnes de street marketing, notamment pour Pataugas et Air France. En 2013, alors qu’elle commence à avoir un peu de notoriété, la pépite toulousaine est obligée de changer de nom. Une contrainte que Steve Gallais transforme en atout « parce qu’il a fallu qu’on revoie toute notre offre, qu’on se repositionne, qu’on retravaille nos supports. » Wellcommunication devient l’agence Verywell. « On a événementialisé notre changement de nom, ce qui nous a littéralement propulsés. On a eu énormément de retombées presse, on a fait le buzz sur les sites et les blogs spécialisés. Au bout de 48 heures, on était plus connu qu’avant ! »
Six mois plus tard, en 2014, l’agence ouvre un bureau à Paris pour se rapprocher de ses clients. « On a continué comme ça, avec une croissance à deux chiffres tous les ans », se souvient Steve Gallais. Verywell devient une des agences leaders en Occitanie, travaille pour les grandes entreprises de la région, les acteurs publics, rafle des contrats nationaux… Jusqu’au 6 mars 2020 et les premières mesures de réduction des jauges qui stoppent net l’événementiel. S’en suivra la création de SOS Event avec ses copains, Thomas Fantini, Jean-François Renac et Pierre Garrigues. Le début d’une autre histoire.