Vincent Collin et Frédérique Caillet
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Vincent Collin et Frédérique Caillet

Virebent, la fierté lotoise.

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Photo de Vincent Collin et Frédérique Caillet
Vincent Collin et Frédérique Caillet ont reprise la manufacture Virebent à Puy-L’Evêque dans le Lot, en 1999. (©Virebent)

Puy-l’Évêque : près de 2 000 habitants et une manufacture de porcelaine connue dans le monde entier, l’atelier Virebent. Voilà un environnement qui ferait rêver plus d’un designer ou d’un créateur.

Frédérique Caillet et Vincent Collin sont passés du rêve à la réalité, en reprenant l’entreprise en 1999. « C’est le goût de l’objet, l’appétence pour un savoir-faire unique, ancestral qui nous a donné envie d’acheter la manufacture et de devenir entrepreneurs », indique Vincent Collin. Le designer est un amateur d’art, un esthète, un fin connaisseur. Il aime fréquenter les musées et chiner aux puces. Avec Frédérique Caillet, il a fondé en 1995 une maison d’édition de design contemporain à Paris avec l’objectif de mettre en avant des artistes et concepteurs français.

Pour ses créations, Vincent Collin travaillait avec une cinquantaine d’artisans céramistes, c’est ce qui l’a conduit chez Virebent, dans le Lot. Il y rencontre l’ancien propriétaire, Philippe Paré, contraint de se séparer de sa société placée en liquidation judiciaire. Le duo n’hésite pas et décide de monter un dossier de reprise. « Nous avons acheté 3 500 mètres carrés de locaux et avons relancé l’activité avec l’aide de trois salariés qui détenaient les connaissances de l’entreprise. C’était très important pour nous de conserver ces compétences spécifiques. »

Les deux entrepreneurs se complètent. Vincent Collin s’occupe de la production et de la fabrication, Frédérique Caillet, elle, de la gestion et du choix des lignes de produits. « Frédérique m’aide souvent à passer de l’abstrait au concret, j’ai l’idée. Elle me dit si c’est réalisable », reconnaît le créatif.

100 ans d’aventure

Photo du vase Double Pagode
Vase Double Pagode signée Virebent. (©porcelaine_virebent)

La manufacture a été fondée en 1924 [1] par Henri Virebent et fabriquait à l’époque boutons de porte, bouchons de bouteille et isolants. Dans les années 60, l’essor du plastique conduit l’entreprise à se lancer dans les arts de la table et la décoration. S’en suivront des collaborations avec de nombreux designers de renom. Certaines de ces pièces dessinées par Yves Mohy, René Bertoux ou encore Pierre Lèbe figurent dans les collections du musée des Arts décoratifs à Paris.

Les bâtiments de Puy-l’Évêque racontent cette histoire et témoignent de ce riche passé industriel. « Lorsque nous avons racheté, les machines étaient en très mauvais état. Nous avons vite compris que nous allions devoir nous appuyer sur autre chose : notre seule façon de se différencier était de maîtriser les savoir-faire », expliquent les intéressés qui décident alors d’innover en créant un laboratoire de recherche. Et Vincent Collin de préciser :

Nous avions une idée claire de ce que nous souhaitions réaliser. Comme souvent, nous avons suivi notre instinct et nos intuitions. Et parce que l’on a tendance à dire que la matière peut être plus créative qu’un créatif, nous avons voulu maîtriser les trois terres : faïence, grès et porcelaine. »

Vincent Collin et Frédérique Caillet apportent un nouveau regard sur la matière, ils la laissent s’exprimer. Leurs créations s’inscrivent dans l’esprit d’un cabinet de curiosité. Le designer, qui a travaillé aux côtés d’Olivier Gagnère et d’Ettore Sottsass, n’hésite pas en effet à casser les codes. Assiettes, lampes, bougeoirs, photophores, appliques, vases, guéridons, tables basses étoffent aujourd’hui les collections de la manufacture. Des pièces, parfois grand format, qui séduisent hôtels de luxe et maisons privées partout dans le monde.

De grandes marques comme Cartier, Dyptique, vignobles Edmond de Rothschild, des designers de renom Matali Crasset, Fabrice Hybert, Christian Tortu, tsé & tsé associées font ainsi confiance à Virebent. « Nous cosignons les pièces pour bien marquer notre identité. C’est une reconnaissance importante », précise Vincent Collin.

Le goût du risque

Diriger une entreprise, passer de trois à 27 salariés a été un vrai challenge. « Nous nous sommes accrochés, contre vents et marées. » Mais plus que tout, les entrepreneurs admirent le travail de leurs collaborateurs, « ce sont des sportifs, ils doivent aimer l’aventure, savoir gérer les fluctuations de commandes et s’adapter. » Et le designer d’ajouter :

Notre métier n’est pas un simple emploi, il faut une maîtrise du geste, une compréhension du process, c’est un engagement personnel. »

Ce sont du reste essentiellement des femmes qui travaillent chez Virebent. « Cela fait un peu cliché, ajoute Frédérique Caillet, mais ce sont de vraies passionnées. Elles ont appris à dompter la terre. » Vincent Collin, lui, se sent l’héritier de ce savoir-faire : « Virebent, l’architecte en chef de Toulouse a marqué la ville. Il a laissé son empreinte. Toute cette richesse nous ouvre un champ immense de possibilités de création. »

20 ans après la reprise de la fabrique, les idées fusent, les projets ne manquent pas pour ce couple dont le quotidien se partage entre Paris et le Lot. Une vie à 100 à l’heure en quelque sorte. Et, si c’était à refaire ? Vincent Collin répond sans hésiter : « Je dirai non mais je le ferais quand même. C’est comme en bateau, quand vous êtes secoués, vous vous dîtes “c’est la dernière fois” et une fois à terre, vous rêvez de repartir. »

[1pour ses 100 ans, la fabrique, labellisée Entreprise du patrimoine vivant, vient d’inaugurer un nouveau musée. Elle ouvre également ses portes au public pendant tout l’été et propose des ateliers de fabrication, des visites guidées, des conférences