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Voyage au pays des confiseries

Frédéric Menguy. Ce consultant et formateur en dragéification, méthode d’enrobage des confiseries, met son expertise et son expérience au service d’entreprises françaises et étrangères depuis 2013. En bon ingénieur, après 30 ans de carrière comme salarié puis entrepreneur, il aime toujours autant chercher les causes des problèmes et trouver des solutions.

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Frédéric Menguy, consultant et formateur en dragéification. Alexandre Wibart

Engager la conversation sur la partie technique du métier d’un ingénieur peut causer des migraines aux non-initiés. Mais avec Frédéric Menguy, pas de mal de tête : en savoir plus sur le procédé de fabrication de certaines confiseries, c’est comme ouvrir l’arrière-boutique d’un magasin de sucreries. Et cela ouvre l’appétit. Expert en dragéification, ce quinquagénaire a bien conscience de la partie magique de son boulot. « Les bonbons c’est l’enfance, ce sont des souvenirs communs. » Il a également bien à l’esprit l’aspect complexe de la production de ces denrées agroalimentaires, qui maintient son attrait professionnel. « La cristallisation du sucre est tellement compliquée, on a l’impression qu’on peut découvrir encore beaucoup de choses. C’est excitant, je n’ai pas l’impression d’avoir fait le tour de la question. »
Frédéric Menguy intervient comme consultant indépendant dans des entreprises artisanales ou industrielles pour les accompagner pendant le processus de production. Il aide notamment les confiseurs à installer du nouveau matériel, régler les machines, faire évoluer les méthodes de fabrication, ou encore pacifier les relations professionnelles entre anciennes et nouvelles générations. Consultant, conseiller, formateur, le gérant de l’entreprise unipersonnelle FMDE SARL, basée à Montauban en Tarn-et-Garonne, est avant tout un ingénieur à la recherche de solutions.
« Le dioxyde de titane, qui donne la couleur blanche aux confiseries, a été interdit en France en début d’année. C’est un peu le drame de la profession, ce composant était l’ami des confiseurs. Pour moi, cet événement est l’opportunité de les aider à trouver des solutions. Chercher les causes des problèmes, c’est de la méthode. Et ça, j’aime bien : réfléchir avec les gens, faire en sorte que ce soit eux qui trouvent la solution. » Au fond, les bonbons sont un prétexte, d’autant que Frédéric Menguy n’est pas accroc aux sucreries.

« La cristallisation du sucre est tellement compliquée, on a l’impression qu’on peut découvrir encore beaucoup de choses, explique Frédéric Menguy. C’est excitant, je n’ai pas l’impression d’avoir fait le tour de la question. »

S’il a une addiction, c’est plutôt du côté de la mer et des voyages qu’il faut rechercher. Né à Tours en 1966, il a grandi un peu partout en France, au gré des affectations de son père, médecin militaire. Il a surtout vécu dans le Sud-Est, et c’est là qu’il a développé un goût pour la navigation. « On faisait beaucoup de bateau quand j’étais petit, puis je suis devenu moniteur de voile. » Mais c’est loin des vagues et des embruns qu’il commence ses études. Il intègre une école d’ingénieur à Dijon et suit un cursus spécialisé dans l’agroalimentaire. « J’ai eu du mal au début, mais ça m’a plu quand j’ai fait un stage en production, dans une sucrerie de canne à la Réunion. » Il découvre les entrailles d’une grosse usine, qui tourne 24 heures sur 24 et produit sa propre électricité.
En 1989, Frédéric Menguy obtient son diplôme à Montpellier, où il termine ses études. Il décide alors de prendre le large. « J’avais envie de voyager. J’ai pris un bateau-stop, traversé l’Atlantique en voilier jusqu’en Martinique, puis en Guadeloupe où j’ai bossé pour une sucrerie de canne. » Les destinations exotiques s’enchaînent : Guyane, Equateur, Brésil, Colombie, avant le retour en 1991.
L’envie de nouveaux horizons ne s’est pas calmée avec ses deux années d’itinérance, et il décide de reprendre la route. « Début 1992 je suis reparti en coopération, j’ai fait mon service civil au Panama. J’étais détaché de l’ambassade de France, je travaillais pour un institut inter-américain de coopération agricole. Je devais évaluer le potentiel des petites agro-industries rurales. J’avais 11 provinces à visiter, certaines n’avaient pas de route, les trajets se faisaient en pirogue. J’étais comme un coq en pâte, j’ai bien failli ne pas rentrer ! Mais j’ai renoué avec ma fiancée, je suis venu à Toulouse la rejoindre. »

« Je viens de faire construire un petit laboratoire d’application pour tester des ingrédients, des méthodes, faire des essais de produits. »

De retour en France en 1993, Frédéric Menguy cherche du travail dans un contexte économique pas terrible. Il se forme en gestion de production, puis entre à la Sodiaal, deuxième coopérative laitière de l’Hexagone. « J’ai travaillé dans différentes usines, à Montauban et près de la Rochelle. C’était très intéressant au niveau du management des équipes, c’est là que je l’ai appris. C’était aussi très technologique, j’ai rencontré des gens très compétents dans leur domaine. Mais l’organisation était une sorte de panier de crabes, avec différentes strates, la dilution des pouvoirs, des luttes intestines. » En 1997, il refuse une évolution de poste et claque la porte. Il intègre une PME réputée dans le domaine des confiseries, les Dragées Pécou à Montauban. Responsable de la production pendant quatre ans, il devient ensuite directeur de la production en charge de la maintenance et de la qualité.
Un peu avant de rejoindre la PME montalbanaise, il adhère au Club qualité Ingres, un réseau de professionnels qui font la promotion de la démarche qualité dans les entreprises. Au mitan des années 1990, c’est une activité plutôt novatrice.
En 2007, l’envie de voyage le rattrape. Avec sa femme, et leurs trois enfants alors âgés de 5, 8 et 10 ans, ils prennent une année sabbatique, louent un voilier et prennent la mer, en Méditerranée, puis dans l’Atlantique. Les Baléares, Gibraltar, Madère, les Antilles, le Vénézuela, Cuba, les Bahamas… « C’était extraordinaire de voir nos enfants grandir au quotidien », raconte-t-il avec des étoiles dans les yeux. Retour sur terre en 2008, la vie quotidienne reprend ses droits. Jusqu’en 2013. Frédéric Menguy a envie d’autre chose. Il quitte les Dragées Pécou pour se lancer en solo. « Je n’avais pas l’impression de prendre trop de risque. J’avais les compétences et je n’avais pas d’investissement à faire. » Il commence en couveuse d’entreprise, et prend le large peu à peu. Aujourd’hui, il passe son temps entre la France et l’étranger, principalement l’Asie et l’Afrique du Nord. L’activité évolue : « Je viens de faire construire un petit laboratoire d’application pour tester des ingrédients, des méthodes, faire des essais de produits. » Et le prochain voyage est déjà planifié. « On traversera le Pacifique, pour aller aux îles Tuamotu en partant du Panama. D’ici cinq ou 10 ans, le temps que les enfants finissent leurs études. »