IéS souhaite élargir son portefeuille
Finances. La société de financement coopératif IéS tire le bilan de 2022. L’an dernier, elle a engagé 445 K€ pour 15 entreprises. Explications avec Julie Lavit, directrice opérationnelle et Agnès Luquet, directrice générale déléguée à la stratégie et finance.
Pouvez-vous nous rappeler l’ambition d’IèS ?
La structure, qui a adopté il y a quelques années le statut de société coopérative d’intérêt collectif, a été créée en 1998 en ex Midi-Pyrénées par un groupe de citoyens qui cherchaient à mobiliser leur épargne pour aider les entreprises à générer de la création d’emplois sur le territoire régional. C’était au départ une association. La vocation d’IéS est de transformer l’économie locale pour la rendre plus solidaire et accompagner la création ainsi que le développement d’entreprises solidaires.
Son modèle est novateur puisque nous sommes encore à ce jour le seul financeur de ce type en région Occitanie. Au départ, nous avons accompagné uniquement les entreprises relevant de l’ESS (NDLR, avant que les entreprises bénéficient d’un cadre juridique renforcé par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 modifiée relative à l’économie sociale et solidaire) avant d’élargir notre portefeuille à des entreprises plus engagées ou à impact. Aujourd’hui, nous entendons gagner en visibilité au-delà du milieu de l’ESS.
Quel bilan tirez-vous de la collecte de l’année passée ? Quelle est la tendance ?
Pour financer les prises de participation, nous disposons d’un capital d’un peu plus de 1.8 M€ via des coopérateurs, des personnes morales mais surtout des particuliers (soit 78%) dont l’investissement moyen est de l’ordre de 152€. Les sociétaires souscrivent une part sans rendement financier, d’une valeur nominale de 76 euros, afin de consolider un projet d’entreprise et de lui donner une belle assise pour obtenir plus facilement des prêts bancaires. L’objectif pour eux n’est donc pas d’engendrer de la plus-value et de réaliser un placement mais bien de faire un geste citoyen et de réinvestir dans de nouvelles entreprises au terme des financements engagés.
Nous avons passé la barre des 1 000 coopérateurs l’an dernier avec 29 nouveaux entrants ce qui porte le nombre actuel à 1 063 sociétaires. En 2022, nous comptons 836 parts, soit un montant de 66 K€ brut, contre 224 K€ en 2021. Le niveau de collecte est plutôt stable bien que 2021 ait été une année particulièrement dynamique. En effet, depuis deux ans les contributeurs bénéficient d’un avantage fiscal à hauteur de 25 % contre 18 % auparavant, à condition de maintenir l’engagement financier sur une durée de sept ans.
Ce changement a de fait engendré une hausse des montants collectés. Cependant, en parallèle, de plus en plus de coopérateurs souhaitent récupérer leurs fonds au vu du climat économique actuel ou pour de nouveaux projets personnels. Depuis notre création, nous avons investi 3,5 M€ et nous comptons actuellement 72 entreprises pour lesquelles nous avons un encours d’un montant de 1,1 M€. L’an dernier, nous avons engagé 445 K€ pour 15 entreprises (soit les dossiers en cours). L’année 2022 représente un très bon cru en termes de prise d’engagement.
Quels sont les perspectives 2023 et vos objectifs ?
Au même titre que les autres partenaires financiers, nous n’avons pas reçu beaucoup de dossiers en 2022, cependant nous avons engagé d’importants financements. Pour 2023, nous entendons financer 400 K€ ce qui équivaut à une douzaine d’entreprises accompagnées. Parmi nos objectifs figure l’augmentation du ticket moyen à 50 K€, lequel était de l’ordre de 30 K€ l’an dernier et de 20 K€ les années précédentes, en vue d’accompagner un panel plus large d’entreprises. En effet, cette augmentation permettra de ne pas limiter les porteurs de projets dans l’obtention des financements complémentaires auprès du réseau bancaire traditionnel.
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Outre l’élargissement de notre offre de financement, nous souhaitons étendre notre portefeuille au-delà des petites entreprises et des entreprises de l’ESS. Nous souhaitons gagner en visibilité et pour ce faire, nous entendons être plus proactifs vis-à-vis des porteurs de projets, renforcer nos relations avec les collectivités locales et notre communication.
Nous accompagnons des associations ,TPE, PME, Sasu et startup pour peu qu’elles placent l’utilité sociale ou environnementale au coeur de leur projet.
Pouvez-vous nous rappeler les critères de sélection des entreprises ?
IéS a mis en place quatre critères auxquels doivent répondre les projets pour prétendre à un financement solidaire : la création d’emplois et l’utilité sociale, l’utilité environnementale, l’ancrage territorial et une gouvernance et gestion solidaires. Bien évidemment, l’entreprise doit justifier d’une viabilité. Les startup doivent notamment avoir passé l’étape de preuve de concept.
La création d’emploi fait partie des enjeux. De fait, combien d’emplois ont été créés sur le territoire grâce à vos financements solidaires ?
Depuis l’existence de la structure, 688 emplois ont été créés. En 2022, nous atteignons une quarantaine de créations d’emploi soit en moyenne quatre par entreprises.
En 2022, vous avez accompagné notamment des entreprises axées sur l’habitat, l’écologie… Le type d’entreprises financées a-t-il beaucoup évolué ces dernières années ?
Auparavant, nous financions essentiellement des commerces et des entreprises du secteur de la restauration. Aujourd’hui, nous parvenons au terme des financements de ce type d’entreprises. Depuis, nous avons davantage investi dans le bienvivre ou des sociétés d’insertion. Il y a trois ans, nous avons beaucoup accompagné les entreprises du secteur agroalimentaire, les maraîchers, les entreprises évoluant vers le bio, etc. Aujourd’hui, la réhabilitation de l’habitat et tout ce qui concerne l’environnement durable en général prend le pas sur les autres secteurs.
Outre le financement solidaire, qu’est-ce qui vous différencie des autres acteurs ?
Le suivi des entreprises est porté par deux accompagnateurs par le biais de points réguliers pendant toute la durée du financement à savoir deux ans minimum et sept ans maximum. Nos bénévoles (une centaine en plus des trois salariés dont deux basés à Ramonville et un à Montpellier) rencontrent les porteurs de projets et analysent les dossiers. Afin d’accompagner plus d’entreprises, nous sommes à la recherche de bénévoles supplémentaires. En marge, nous sommes également des capitaux-risqueurs à savoir que notre accompagnement permet à l’entreprise de mesurer ses risques.