A69 : les opposants veulent poursuivre la bataille juridique et pointent une « dérive trumpiste »
Mobilisation. Suite à la décision de la cour administrative d’appel qui a permis la reprise du chantier de construction de la liaison autoroutière entre Toulouse et Castres (A69), la riposte s’organise. Très actif, le collectif d’opposants La Voie est libre réfléchit à une éventuelle saisine du Conseil d’État mais cherche également à mobiliser les foules pour faire barrage à l’adoption de la proposition de loi qui vise à faire reconnaître la raison impérative d’intérêt public majeur du projet.

« Nous sommes dans l’incompréhension la plus totale ! » En première ligne aux côtés d’autres collectifs et associations d’opposants au projet de liaison autoroutière entre Toulouse et Castres (A69), la Voie est libre a réagi vivement à la décision de la cour administrative d’appel de Toulouse du 28 mai. Décision par laquelle, la juridiction a prononcé le sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif du 27 février dernier qui avait entraîné l’arrêt du chantier.
Un jugement de première instance solide
Une victoire de courte durée puisque dans la foulée de ce nouvel épisode juridique, le ministre des Transports Philippe Tabarot a annoncé la reprise des travaux mi-juin. Pour le collectif, le choc est d’autant plus grand que la décision ne reflète pas la teneur des débats lors de l’audience du 21 mai. « On ne comprend pas à quel moment les trois juges qui ont délibéré ont pu être convaincus par les sempiternelles contrevérités assénées par la partie adverse pourtant clairement mises à mal par nos avocats et contredits par l’Insee et d’autres études. »
Déçu, le collectif explique pourtant ne pas prendre ce jugement « très au sérieux » d’autant plus que la cour ne s’est pas prononcée sur le fond du dossier. « Le jugement de première instance, lui, est extrêmement solide. Il comprend des centaines de pages, suite à un an et demi d’instruction là où la décision de la cour d’appel se réduit à une page et seulement quatre mois de travaux. »
Pour La Voie est libre, les failles repérées dans le dossier sont toujours là. À savoir, que les initiateurs du projet n’ont pas, selon elle, « démontré l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur » (pour plus de détail, cliquez ici). Pas plus qu’ils n’ont proposé de solutions alternatives pour réduire l’impact environnemental du chantier, « ce qui est obligatoire car on ne peut pas détruire autant d’espèces protégées sans proposer des alternatives. Or, ils ne l’ont pas fait ».
Manque de transparence
Autre point qui scandalise le collectif, un certain manque de transparence. « Le chantier n’est pas du tout vertueux comme ils le prétendent. Il y a 44 mises en demeure actuellement pour manquements, parce que les travaux engagés ont fait des dégâts et ne sont pas conformes au droit environnemental. »
Alors que le collectif dit réfléchir aux suites à donner à la décision de la cour administrative d’appel avec une éventuelle saisine du Conseil d’État, il en appelle à une mobilisation générale pour contrer l’adoption de la proposition de loi visant à faire reconnaître la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.
Porté par deux sénateurs du Tarn, Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau, le texte, voté en première lecture par le Sénat le 15 mai dernier, sera débattu à l’Assemblée nationale le 2 juin prochain en séance publique. Une perspective qui révolte les opposants au projet.
Menace sur la démocratie
Pour La Voie est libre, les sénateurs se sont appuyés sur le mécanisme de la loi de validation pour passer outre la décision de justice. Un outil inadapté dans ce contexte selon le collectif qui pointe une menace pour la démocratie. Adopter cette loi, ce serait créer un précédent dangereux car il ouvrirait la porte « à tous les abus », explique le groupe qui évoque « une dérive trumpiste ».
Pourquoi ? Parce que cela signifierait que « dès qu’une décision de justice gêne, on la disqualifie, on crie au complot et on utilise des mécanismes qui sont totalement aberrants. Voila pourquoi nous cherchons à mobiliser au-delà de l’A69 en lançant une plateforme dédiée sur laquelle les gens peuvent interpeller leurs députés pour leur demander de ne pas voter cette loi le 2 juin prochain. »
Autre cheval de bataille : la désinformation. Alors que l’État et les deux concessionnaires martèlent que les travaux sont avancés à 70 %, le collectif s’inscrit en faux, films, photos et expertises à l’appui. S’il reconnaît qu’une bonne partie du tracé est effectivement terrassé, plus de la moitié des travaux resteraient à faire, entre « les remblaies, les ouvrages d’art, le bitume à couler, les réseaux à faire passer sans compter la signalisation à installer ».
Pour fédérer et peser sur le vote, des manifestations ont eu lieu dès l’annonce de la décision de la cour administrative d’appel de Toulouse. Un grand rassemblement est par ailleurs prévu du 4 au 6 juillet prochains près du tracé de l’A69.