Taux élevés, incertitude politique : le marché immobilier en Haute-Garonne est grippé, mais jusqu’à quand ?
Immobilier. Les ventes de biens immobiliers se sont effondrées de 28 % en un an en Haute-Garonne, soit 22 520 transactions enregistrées entre juillet 2023 et juin 2024, le plus bas niveau atteint depuis 10 ans. C’est ce qu’indique le dernier bilan dressé par la Chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Toulouse.
Aucune amélioration à prévoir ! Les notaires de la chambre interdépartementale de la cour d’appel de Toulouse ne sont guère optimistes quant à un éventuel retournement du marché immobilier. On le sait, le logement neuf traverse depuis plusieurs trimestres, une crise sans précédent. La chute des ventes et des mises en ventes au cours des derniers mois est telle que Mickaël Merz, le président de l’Observatoire de l’immobilier neuf de Toulouse et sa métropole (ObserveR), évoquait récemment dans la Gazette du Midi une « situation critique ».
Même inquiétude du côté des notaires. Henri Chesnelong et Frédéric Giral, délégués en charge de l’immobilier au sein de la chambre interdépartementale de la cour d’appel de Toulouse, confirment l’effondrement du marché des appartements neufs. En Haute-Garonne, 2 910 ventes ont été enregistrées entre le 1er juillet 2023 et le 30 juin 2024, contre 5 340 un an auparavant, soit une chute de 46 % des transactions.
22 500 ventes en un an
Le marché de l’immobilier ancien n’est pas mieux loti. Les notaires du département ont constaté dans leurs études une chute des ventes des appartements anciens de l’ordre de 26 % sur 12 mois, avec 10 000 transactions enregistrées, et de 20 % pour les maisons anciennes (8 220 ventes signées).
La dégringolade est encore plus marquée sur le marché des terrains à bâtir où les ventes se sont écroulées de 41 %, soit 1 400 transactions en un an. « Alors qu’en 2023 le marché des terrains à bâtir était déjà en grande difficulté, avec la hausse des taux et des prix des matériaux il intéresse aujourd’hui beaucoup moins de monde. La maison individuelle est devenue un rêve inaccessible pour beaucoup de Français », reconnaît Henri Chesnelong. Et Frédéric Giral d’ajouter :
Avec de surcroît la prolifération des normes environnementales, les ménages sont effrayés par le coût et la complexité de l’acte de construire et se détournent de ce marché. »
En Haute-Garonne, tous bien confondus, le recul du volume des ventes immobilières entre juillet 2023 et juin 2024 atteint 28 %, contre -17 % un an plus tôt, soit 22 500 transactions sur un an. Il faut remonter à 2014 pour trouver un niveau aussi bas.
Légère baisse des prix
Si jusque-là, cette contraction des volumes n’avait pas eu de réelle incidence sur les prix, ce n’est plus le cas désormais. Les notaires haut-garonnais constatent en effet une érosion des prix sur tous les segments de marché. Sur un an, la baisse s’élève ainsi à 2,4 % pour les appartements anciens, 5,3 % pour les maisons anciennes et jusqu’à 6,6 % pour les terrains à bâtir.
« Les acquéreurs étant moins nombreux, ils sont plus exigeants et négocient les prix, notamment lorsque les diagnostics immobiliers ne sont pas bons, par exemple lorsque l’électricité ou l’assainissement sont à refaire. Aujourd’hui, sur le marché de la maison ancienne, ils constituent un véritable levier pour discuter le prix », confirme Frédéric Giral, qui cite des baisses pouvant aller « jusqu’à 15 % du prix de vente » lorsqu’elles sont « argumentées par des devis de mise aux normes ».
Les notaires de la Chambre interdépartementale scrutent d’ailleurs depuis plusieurs mois l’incidence du Diagnostic de performance énergétique (DPE) sur les ventes. Et Henri Chesnelong de pointer :
Nous nous interrogions sur le fait de savoir si la sortie des passoires énergétiques du marché de la location allait doper le marché immobilier. On constate que ce n’est pas le cas. Il n’y pas eu d’explosion du volume de ventes des logements classés F et G. Les gens ne se sont pas rués dessus. »
Le véritable impact du DPE
En revanche, les notaires constatent un effet bien réel sur les prix. « À Toulouse, les appartements anciens affectés d’un score F et G se sont vendus 14 % moins cher que ceux de classe D, notre étiquette de référence ». Et l’effet est plus grand encore sur le marché des maisons anciennes. En Haute-Garonne, les maisons mal classées se sont vendues 16 % moins cher que les celles étiquetées D, « du fait d’un coût de mise aux normes beaucoup plus important », confirme Frédéric Giral.
Un bon DPE a aussi un impact sur le prix : les biens classés A ou B se vendent plus cher par rapport à ceux étiquetés D : de l’ordre 8 % pour les appartements anciens et de 15 % pour les maisons anciennes. « L’étiquette rentre donc bien en ligne de compte dans la négociation et la décisions des acquéreurs », poursuit le notaire haut-garonnais.
Au cours des mois à venir, à quoi faut-il s’attendre sur le marché immobilier haut-garonnais ? Au vu du nombre d’offres d’achat, promesses unilatérales de vente et autres compromis de vente récemment enregistrés dans les études – qui devraient déboucher sur la signature d’un acte authentique au cours des trois prochains mois –, rien laisse présager une amélioration sur les segments des maisons et des appartements anciens.
En Haute-Garonne, 2 795 de ces avant-contrats ont en effet été signés en juillet 2024, soit tout juste 150 de plus qu’il y a un an. « En ce mois de septembre, nous constatons une activité très molle et aucun signe de reprise », confirme Frédéric Giral. La courbe des ventes, qui a littéralement plongé entre 2023 et 2024, n’est donc pas près de remonter. Tout au plus, devrait-elle se stabiliser.
L’indice de confiance des ménages au plus bas
C’est ce que pronostique le notaire de Caraman. « Après la légère baisse des taux, au printemps nous sentions un frémissement, mais les incertitudes politiques apparues cet été ont rendu le climat anxiogène. Or, un projet immobilier repose avant tout sur la confiance des ménages. L’absence de gouvernement n’aide pas à se projeter, cela grippe tout. »
Alors que cette crise du logement fait de plus en plus de victimes parmi les professionnels de l’immobilier, le notariat - qui enregistre une contraction de ses effectifs passés de « 75 000 en 2021 à près 65 000 aujourd’hui » - n’est pas épargné selon Henri Chesnelong. « Nous aurions besoin de signaux forts. Malheureusement, on ne peut que constater le silence des pouvoirs publics sur le sujet », conclut Frédéric Giral.
À l’échelle nationale, en 2024, les notaires de France tablent sur un volume de près de 850 000 transactions, à comparer aux 1,2 million de ventes enregistrées en 2021.