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Avec sa Biomebox, Orius vise la Lune

Innovation. La pépite toulousaine Orius, spécialisée dans la conception de technologies dédiées à la production d’actifs naturels à base de matières premières végétales, poursuit ses ambitions avec le Cnes et vient d’ouvrir son capital à l’industriel de la cosmétique, Capsum.

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Pierre Jay, Paul-Hector Oliver et Jérôme Veliciter
Pierre Jay, Paul-Hector Oliver et Jérôme Veliciter ont cofondé Orius. (Crédit : ORIUS)

On n’arrête pas le progrès. Des « potagers embarqués », un démonstrateur des solutions possibles pour l’exploration lunaire a récemment été mis en lumière au Grand Marché MIN Toulouse Occitanie. La jeune pousse toulousaine Orius, qui conçoit des technologies pour produire, de façon performante et prédictible, des végétaux « augmentés » visant à la création d’ingrédients actifs à haute valeur ajoutée, se prépare à toucher les étoiles avec le concours d’autres acteurs – chercheurs scientifiques, chefs cuisiniers reconnus, élèves ingénieurs, au service de l’alimentation dans l’espace – à l’horizon 2024. En effet, le Cnes avec son incubateur Tech The Moon, partenaire de la pépite depuis sa création fin 2021, envisage d’embarquer cette technologie sur la Lune. il s’agit d’une biomebox, sorte d’imposant frigo en inox de 500 kg composé de trois parties, qui peut facilement être assemblé en cluster pour partager des ressources telles que les systèmes climatiques et la gestion des nutriments, et pensé de manière à reproduire des environnements propices au développement d’apports nutritifs et de principes actifs.

« Ce partenariat va également nous permettre de nous appuyer sur l’expérience de Capsum au sein du marché des cosmétiques en vue de développer les outils et les services les plus adaptés à ce secteur »

Ce rapprochement avec le Centre national d’études spatiales, comme le rappelle son CEO et cofondateur, Paul-Hector Oliver « a permis, avec un cofinancement de près d’1M€, de sortir un premier prototype à la mi mai, désormais commercialisé. » Trois machines sont destinées au Cnes, et une trentaine devrait voir le jour l’année prochaine, notamment pour les secteurs pharmaceutique et cosmétique, la cible phare de la start-up. « Cette collaboration qui intègre désormais d’autres acteurs nous permet d’avoir une technologie de pointe et une exigence élevée par rapport à nos attentes et à celles de nos clients. » Le défi lunaire consiste, lui, à concevoir un système d’alimentation adapté aux besoins des astronautes. Pour ce faire, Orius a déjà réalisé des tests concluants pour une production à moyenne échelle du chou mizouna, « soit près de 270 kg par mètre carré par an, contre 10 kg en serre ».

Désormais, l’heure est à la réflexion sur l’identification des types et des variétés de plantes à embarquer dans l’espace pour proposer des aliments boostés en nutriments, vitamines, arômes et antioxydants. L’exploitation concrète des modules ne commencera qu’au début 2023. À travers cette collaboration inédite, la start-up s’adjoint les compétences des agronomes de Purpan pour renforcer les propriétés des cultures, tandis que le Min apportera des conseils. Les élèves éloignés de l’emploi des écoles CuisineMode d’Emploi(s) – concept initié par Thierry Marx à Grigny comme à Toulouse –, concocteront eux les recettes. L’université Paris-Saclay participera également au projet avec la chaire Cuisine du futur de l’université pilotée par Raphaël Haumont et le chef Thierry Marx.

UNE SOLUTION CLÉ EN MAIN

Ce projet spatial donne ainsi de l’élan à la jeune entreprise, laquelle s’attache toutefois à garder les pieds sur terre. Son objectif premier : développer des solutions qui permettent aux industries pharmaceutiques et cosmétiques de devenir indépendantes et autonomes en production d’actifs végétaux naturels. Ces industriels entendent ainsi se recentrer sur des matières premières naturelles via l’agriculture indoor de précision. Cependant, ils manquaient jusqu’à présent de moyens simples et abordables pour tester et expérimenter la technologie avant de s’engager à plein régime avec une installation de production, nécessitant de gros investissements. « Notre technologie permet de leur offrir une solution clé en main pour la production de végétaux à forte valeur ajoutée, sans intrant ni OGM, avec une faible consommation d’eau grâce à une approche en boucle fermée. En affinant le contrôle et la précision des paramètres environnementaux, on oriente ainsi les plantes vers la production d’ingrédients à haute valeur ajoutée. Nous nous positionnons sur la production d’actifs et la production de molécules à travers la plante, c’est ce qui nous différencie de nos concurrents », souligne Paul-Hector Oliver.


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De plus, la filière ultra-courte (culture et extraction sur site) assure une meilleure conservation des molécules actives, en récoltant les plantes fraîches avant leur transformation et permet une planification de la production en fonction de la demande, tout au long de l’année et sans contrainte de saison. À l’initiative de la solution biomebox, un trio d’associés qui cumulent plusieurs années d’expérience dans l’agriculture indoor notamment à la direction technique d’une start-up parisienne Agricool, spécialisée dans l’agriculture urbaine. Une direction tricéphale très complémentaire composée de Paul-Hector Oliver, spécialiste de la production végétale en indoor, Pierre Jay, aux manettes de l’ingénierie et de la conception et Jérôme Velociter, expert en logiciel et en automatisation. Il y a un an, ils ont ainsi décidé d’emprunter le chemin de l’entrepreneuriat et de développer des standards de technologie spécialisés pour les entreprises qui veulent produire n’importe quel type de plantes et agir sur le végétal.

ALLIANCE ET MARCHÉ AMÉRICAIN

Le concept a largement séduit la société marseillaise spécialiste de la microfluidique et créatrice de produits de beauté pour les marques, Capsum. Après avoir fait appel au savoir-faire du Toulousain, devenu depuis un partenaire stratégique pour concevoir et construire son unité de production de matière première végétale sur son site de fabrication durable à Austin (Texas) – pour la production de micropousses de tournesol dans un premier temps –, elle est entrée au capital d’Orius à hauteur de 25%. Une marche supplémentaire qui va permettre à la jeune pousse d’accélérer sa croissance. « Ce partenariat va également nous permettre de nous appuyer sur l’expérience de Capsum au sein du marché des cosmétiques en vue de développer les outils et les services les plus adaptés à ce secteur », se réjouit Paul-Hector Oliver.

Forte de trois salariés, la start-up envisage ainsi de porter son équipe à une dizaine de collaborateurs d’ici l’été prochain pour soutenir son développement. Basée à Escalquens, elle ambitionne à court terme d’installer une ligne de production pour honorer son carnet de commandes et mettre en place un laboratoire de R&D fonctionnel à 100% pour permettre de réaliser des pré-études pour ses clients. Orius vise plus d’1,5 M€ de CA en 2023. En parallèle du marché américain, la start-up entend notamment renforcer sa présence sur le territoire français et européen « bien que l’agriculture indoor ne soit pas encore bien perçue en Europe », conclut le codirigeant.