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Le toulousain Genoskin lève 8 M€ et veut doubler de taille d’ici trois ans

Innovation. Forte de 6 M€ de CA en 2024, la pépite toulousaine, qui fournit aux industries pharmaceutiques, biotechnologiques et cosmétiques des modèles de peau humaine destinés à la réalisation de tests, projette d’augmenter ses capacités de production aux États-Unis et à Toulouse. Elle prévoit également de recruter afin d’étendre sa présence commerciale notamment en Europe et en Asie.

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Genoskin développe des alternatives aux tests sur animaux sous la forme de modèles de peau humaine qui permettent d’évaluer la réponse immunitaire, la réaction au point d’injection et la toxicité cutanée de différents produits thérapeutiques, biologiques, vaccins, dispositifs médicaux et produits chimiques. (©Genoskin)

Depuis 2013, en France comme dans les autres pays de l’Union européenne, tester les produits cosmétiques sur les animaux est interdit. L’interdiction s’applique ainsi à tous les produits cosmétiques commercialisés sur son territoire. La directive 2010/63/UE, qui réglemente l’expérimentation animale dans les 28 pays de l’UE, continue cependant d’autoriser cette pratique à des fins scientifiques.

Applicable en France depuis le 1er janvier 2013, ce texte, qui révise une directive plus ancienne, datant de 1986, institue la règle des 3 R. Celle-ci consiste à remplacer l’expérimentation animale dès que possible, et à défaut, à réduire le nombre d’animaux utilisés et à raffiner les procédures, c’est-à-dire optimiser les méthodes employées pour diminuer la douleur animale.

De la peau humaine précieuse

Malgré ces restrictions, en France en 2023, on a dénombré plus de deux millions d’expérimentations animales. À l’échelle de l’Europe, ce sont plus de huit millions d’animaux qui ont été utilisés en 2022 à des fins d’expérimentation. Une pratique qui continue de soulever d’importantes questions éthiques. En avril 2025, aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a d’ailleurs dévoilé un plan en vue d’éliminer progressivement l’exigence de tests sur les animaux pour les anticorps monoclonaux et autres médicaments.

Face à ces évolutions réglementaires, de plus en plus de structures œuvrent au développement d’alternatives non animales, à la fois pour des raisons éthiques mais aussi économiques. L’enjeu à travers ces nouvelles approches, est à la fois d’améliorer la sécurité des médicaments et d’accélérer le processus d’évaluation, mais aussi de réduire les coûts de R&D et, in fine, le prix des médicaments et produits.

C’est dans ce champ d’innovation que travaille Genoskin. La start-up toulousaine, qui emploie aujourd’hui une quarantaine de collaborateurs, fournit des modèles de peau humaine aux entreprises biopharmaceutiques, cosmétiques ou qui développent des thérapies cellulaires et géniques. Ces modèles reflètent la physiologie humaine, en particulier pour les produits administrés par voie cutanée comme les thérapies injectables, les vaccins et les traitements par voie locale. Ils permettent donc aux industriels de tester l’innocuité de leurs produits.

Une première levée de fonds

Concrètement la biotech collecte des restes de peau issus d’opérations de chirurgie plastique pour les transformer en kits prêts à l’emploi associés à des outils d’analyse très puissants. « Contrairement à une peau de synthèse qui est neutre, cette peau conserve tout le passé immunologique et les caractéristiques du patient. Cela permet à nos clients d’obtenir des données plus précises et donc plus pertinentes », détaille Frédérick Roques, directeur financier de Genoskin.

Une technologie révolutionnaire qui a valu à l’entreprise fondée en 2011 par Pascal Descargues et installée au cœur du centre Pierre Potier à Toulouse, de figurer en 2022 dans le classement publié par le Financial Times des 1 000 entreprises européennes à la plus forte croissance avec un taux de progression de 300 % entre 2017 et 2020. La start-up, qui depuis 2018 a ouvert un établissement à Salem (Massachusetts, États-Unis), vient d’annoncer le succès de sa première levée de fonds à hauteur de 8 M€.

Ce tour de table a été mené par Occte, société de gestion de portefeuilles soutenue par la Région Occitanie via l’Agence régionale Énergie Climat (Arec) et par le groupe Magellim, aux côtés de Captech Santé, fonds de capital-risque spécialisé dans les technologies de la santé (groupe Finorpa, Hauts-de-France), de GSO Innovation, société de capital investissement du Crédit Agricole basée à Bordeaux, et de CA Toulouse 31 Initiatives, filiale de la caisse régionale du Crédit Agricole spécialisée dans l’accompagnement des entreprises innovantes.

Dans le détail, 5 M€ ont été apportés en capital et 3 M€ sous forme de dette bancaire apportés par Bpifrance, BNP Paribas, la Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées et le Crédit Agricole. Grâce à ces fonds, la PME, qui a réalisé 6 M€ de chiffre d’affaires en 2024 et vise les 7 M€ cette année, va pouvoir accélérer sa croissance.

Leader des tests d’immuno-toxicité

Objectif pour l’entreprise ? Doubler de taille d’ici à trois ans. « Cet investissement valide notre stratégie et renforce notre positionnement de leader sur le secteur des tests d’immuno-toxicité avec nos échantillons de peau humaine », confirme Pascal Descargues avant d’ajouter :

Avec le soutien de nos investisseurs, nous sommes bien partis pour transformer le mode de développement des biothérapies, et pour proposer in fine des traitements plus sûrs aux patients du monde entier. »

L’entreprise, qui commerciale déjà sur internet six modèles de peau, prévoit en effet de lancer de nouvelles offres de services en immunologie dès 2027. Elle souhaite également renforcer son expertise scientifique et réglementaire « grâce au développement de plateformes de biosimulation et de nouveaux modèles d’immunité humaine, toujours en vue de réduire le recours aux tests sur les animaux », précise-t-elle dans un communiqué daté du 15 septembre.

Pour asseoir ce développement, Genoskin projette d’ici 2026 de nouveaux recrutements afin d’étendre sa présence commerciale sur ses principaux marchés, notamment en Europe et en Asie. Pour accompagner la montée en charge de ses activités, elle prévoit également de s’installer dans de plus vastes locaux, à la fois à Salem aux États-Unis où elle disposera dès 2026 de 700 m2 de surface mais aussi à Toulouse où elle devrait emménager dans une usine, elle aussi automatisée, de 1000 m2 en 2027.