Entreprises

Hastim inaugure un nouveau centre de recherche à Toulouse

Technologie. La pépite toulousaine développe des traitements immunostimulants personnalisés dans la prise en charge du cancer.

Lecture 8 min
Nicole Rouquet
Nicole Rouquet, fondatrice d’Hastim. (Crédit : DR)

« 2030 au plus tard », c’est à cet horizon que Nicole Rouquet, la fondatrice d’Hastim, espère voir arriver sur le marché le traitement destiné aux patients atteints d’un cancer sur lequel planche son équipe. Pour asseoir cette ambition, elle s’appuie sur le nouveau centre de recherche que la biotech toulousaine vient d’inaugurer, rue Caulet, dans l’Aéroparc Saint-Martin. Créée en 2003, Hastim, qui s’appelait auparavant Urodelia, a acquis un savoir-faire reconnu dans le domaine de la chimie des phosphates de calcium et plus particulièrement de l’hydroxyapatite. « Elle constitue la phase minérale de l’os et possède des propriétés d’interface avec le vivant remarquables », détaille Nicole Rouquet. L’équipe d’Hastim a d’abord trouvé des applications de ces propriétés dans le domaine de l’orthopédie. Mais à partir de 2007, elle s’est intéressée au rôle que pouvait jouer ce composé dans le traitement du cancer, après avoir rencontré des équipes travaillant sur la stimulation du système immunitaire des patients atteints de cancer.

INNOVATION DE RUPTURE

« Durant les années 90, certains chercheurs notamment américains, ont eu l’idée d’extraire les protéines de ces cellules anormales pour les réinjecter au patient pour essayer de rééduquer son système immunitaire, poursuit Nicole Rouquet. Cependant, on s’est aperçu que lorsque ces protéines purifiées étaient réinjectées, elles étaient détruites. Ce système de rééducation ne fonctionnait pas. Nous avons alors travaillé avec ces équipes pour essayer de résoudre ce problème de reconnaissance. C’est ce que nous avons fait en amenant l’hydroxyapatite dans le mécanisme de purification et de représentation. La rupture technologique se situe là : nous avons pris une molécule utilisée en orthopédie pour l’amener en cancérologie afin de rendre visibles les protéines tumorales aux patients que l’on venait de prélever. Leur système immunitaire étant ainsi stimulé, ils se mettent à lutter conte leur propre cancer. » Fort de ces premières expériences, Hastim a développé, dans le domaine de la santé animale, un kit qui permet au vétérinaire de produire eux-mêmes le médicament à partir d’une biopsie de l’animal.

Cette technologie en kit, appelée Apavac, est disponible sur le marché depuis fin 2013 et, à ce jour, 800 chiens, chats ou chevaux ont été traités. La biotech a publié ses résultats en 2019. « Nous avons démontré, sur un très grand nombre d’animaux, à savoir 300 chiens atteints de lymphome B soignés pour moitié par chimiothérapie uniquement et pour l’autre moitié par chimiothérapie associée à notre biomédicament, un doublement des cas de survie, sans aucun effet secondaire chez ces derniers. Ces résultats constituent un marqueur extrêmement fort dans le développement d’un biomédicament ». Sur la base des données recueillies, l’équipe d’Hastim a alors décidé de transférer sa technologie en santé humaine. Pour ce faire, en 2021, la pépite toulousaine a réussi à mobiliser 3,4 M€ via une augmentation de capital, dont 2 M€ en fonds propres, des prêts bancaires et des subventions dans le cadre du plan France Relance à hauteur de 768 000 €.

UN MÉDICAMENT PLUS ACCESSIBLE

De quoi financer ces nouvelles installations qui vont permettre à Hastim de franchir les dernières étapes avant l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). « Il s’agit en fait d’un centre de convergence de compétences puis que le développement d’un médicament est long, de l’ordre de 20 ans. Nous sommes une petite équipe (huit collaborateurs, NDLR). Nous faisons donc forcément appel à des collaborations externes tout en restant coordinateur du projet. Nos axes de développement propres sont d’une part la production industrielle de lots de fabrication pour l’essai clinique, sachant qu’un lot=un patient, puisqu’on produit un médicament complètement personnalisé. D’autre part, nous travaillons sur la mise au point des contrôles des médicaments ainsi produits dans le cadre de l’essai clinique. Enfin, nous travaillons sur le développement de nouvelles formulations. »


>LIRE AUSSI : Avec sa Biomebox, Orius vise la Lune


La production du médicament, qui requiert actuellement une biopsie, nécessitera en effet à terme une simple prise de sang. « Grâce au sérum sanguin, on obtiendra les doses de médicament sous forme lyophilisée, permettant ainsi leur conservation à température ambiante. Notre souhait est en effet d’obtenir un produit le plus simple possible afin de pouvoir l’appliquer au plus grand nombre de patients dans le monde, car conserver des produits à -80°C ou même -20 °C, c’est compliqué dans certaines zones géographiques. »

ESSAIS CLINIQUES

L’étude préclinique nécessitant des compétences et des équipements particuliers, Hastim a signé pour ce faire un partenariat avec une équipe de l’Inserm de Dijon. Cette étude dirigée par le Dr Carmen Garrido vient de commencer. Elle a pour objectif de valider les points forts d’Apavac et notamment, son innocuité, son caractère personnalisé (adapté au patient et à l’évolution de sa pathologie), sa rapidité de fabrication et son faible coût. « Par rapport aux autres immunothérapies personnalisées concurrentes, nous nous situerons dans un prix quatre à six fois moins cher pour un temps de préparation du biomédicament très rapide », précise Nicole Rouquet, sachant que de tels traitements coûtent aujourd’hui plusieurs centaines de milliers d’euros. Si les résultats sont concluants, Hastim et l’Inserm projettent le passage en phases d’essais cliniques dès 2023.

Nicole Rouquet espère profiter d’un contexte favorable pour accélérer la mise sur le marché de ce nouveau traitement. Depuis la crise de la Covid 19, le gouvernement veut en effet booster la production de médicaments sur le territoire français et faciliter le développement de biomatériaux, avec un objectif : développer 20 biomédicaments d’ici le début de la prochaine décennie. « Nous espérons au plus tard en 2030 pouvoir proposer notre médicament au marché français », ajoute Nicole Rouquet qui prévoit une nouvelle levée de fonds l’an prochain, de 5 à 7 M€, pour poursuivre ses travaux de R & D.