L’appli Canari à l’assaut de l’Europe
Innovation. Les entreprises toulousaines, Makina Corpus et Solagro, lancent une version de l’outil Canari élargie au marché européen. L’application de prévisions climatiques a pour objectif d’aiguiller les agriculteurs dans leur choix.
Face aux aléas climatiques et aux périodes de sécheresse toujours plus intenses et fréquentes qui fragilisent fortement les agriculteurs, Makina Corpus, entreprise de services en ingénierie logicielle et Solagro, association spécialiste des questions agricoles et du changement climatique, toutes deux toulousaines, ont mis en commun leurs compétences pour développer une application web open source de visualisation d’indicateurs agro-climatiques.
Baptisée Canari, et présentée une première fois au Salon de l’agriculture en 2022, elle a pour objectif d’aider les acteurs du monde agricole à s’adapter aux changements climatiques. Elle permet de calculer et de fournir des données climatiques à l’échelle du territoire national, sur une période allant de 2020 à 2100.
Ce projet, mené de concert avec le laboratoire français IPSL (Institut Pierre Simon Laplace, spécialiste de la modélisation climatique) et aussi auprès de l’unité Mars du Joint Research Center (JRC), centre de recherche de l’Union européenne, a notamment reçu une aide de l’Ademe, et du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
« Cette application est issue du projet AWA développé par Solagro et ses partenaires pendant trois ans, qui permettait de fournir des informations agronomiques et climatiques localisées près des fermes. Ce prototype a aidé les exploitants à visualiser la variabilité des performances de rendements, à anticiper leur récolte, etc. Cet outil a été testé sur 120 fermes. Il s’est révélé efficace mais complexe à manipuler car toutes les données étaient traitées manuellement ce qui était très chronophage. Après sa validation, l’objectif a été de concevoir une version simplifiée. L’application Canari a ainsi été lancé en vue d’automatiser le processus et de l’étendre à toutes les régions », explique Pauline Millet, chef de projet chez Makina Corpus.
Quid du fonctionnement de l’application ?
« L’utilisateur clique sur son territoire, il a le choix entre des indicateurs passés, ou avec un futur proche compris entre 2020 et 2050, ou un futur lointain jusqu’à 2100. Il fait son choix entre les projections climatiques du scénario RCP 4.5 ou RCP 8.5 du GIEC et sélectionne les indicateurs agro-climatiques souhaités parmi les 40 proposés dits « génériques », à savoir le nombre de jours chauds, le nombre de jours de gel, l’évapo-transpiration potentielle, etc. Il sélectionne ensuite les paramètres spécifiques liés au métier tels que le risque d’échaudage précoce (blétendre), l’indice de fraîcheur des nuits (vigne), le dernier jour de gel printanier (arboriculture), etc. En quelques minutes, il obtient une réponse représentée visuellement sur une carte interactive ou des graphiques », détaille-t-elle.
>LIRE AUSSI : Aligerma : Innovations autour des légumineuses
La version actuelle à ce jour compte 120 indicateurs agro-climatiques. Depuis son lancement, l’outil affiche à son compteur 5200 calculs et 800 utilisateurs actifs. Il a séduit céréaliers, éleveurs, assureurs, chercheurs, coopératives agricoles, interprofessions, chambres d’agriculture, ou encore conseillers agricoles, à l’instar de Floriane Fages, ingénieur conseil et développement, à la coopérative Fermes de Figeac.
« C’est une application qui parle à tout le monde, elle n’est pas scientifique. À titre d’exemple, un de nos éleveurs hésitait sur la problématique d’intégrer des ventilateurs dans ses bâtiments d’élevage. Nous avons, grâce à l’outil, visualisé le nombre de jours chauds, ce qui a guidé son choix. »
Une version Europe prévue pour le printemps
Une version de Canari France plus précise s’apprête à voir le jour. En effet, après le succès de la première version, l’outil évolue avec le concours de Météo France, qui avait pour ambition de lancer une application similaire, en vue d’un service climatique pour l’agriculture ciblé sur la métropole.
« Cette évolution à vocation à capitaliser sur l’innovation proposée par le portail Canari et de s’appuyer sur l’ensemble de projections climatiques régionalisées Drias 2020, considéré comme le jeu de données de référence pour la France métropolitaine ».
Un autre projet plus large destiné aux communes est aussi dans les tuyaux. En parallèle de cette évolution, une version, cette fois, appliquée au marché européen est en passe d’être finalisée. « Canari Europe proposera des calculs d’indicateurs se basant sur les données Eurocordex, un programme soutenu par le programme mondial de recherche sur le climat (WCRP) qui vise à organiser et coordonner un cadre international de production de projections climatiques régionales. »
Son déploiement – comprenant l’Europe et les pays du Maghreb – est prévu au premier trimestre 2023. Financé par le fonds d’investissement 2050, Canari Europe, disponible en cinq langues bénéficiera également de l’appui des partenaires techniques de Solagro du programme Life AgriAdapt pour faciliter sa diffusion. Makina Corpus, forte d’une cinquantaine de collaborateurs, qui développe de nombreuses applications tous secteurs confondus, espère décrocher d’autres partenariats en vue de concevoir plus de projets à impact à l’image de Canari.