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Pénurie d’eau, agir maintenant mais comment ?

Sécheresse. Le préfet d’Occitanie, également coordinateur du bassin Adour-Garonne, a tiré la sonnette d’alarme sur le niveau des ressources en eau sur le territoire. Les mots d’ordre : sensibiliser, économiser, anticiper et planifier.

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Le lac de Montbel
En Ariège, le lac de Montbel est rempli à 24% en ce mois de mars. (Crédit : DR)

Chaque année, le 22 mars, la Journée mondiale de l’eau est l’opportunité pour les collectivités, les chercheurs ou encore les associations environnementales de multiplier les manifestations afin d’attirer l’attention sur l’importance d’une gestion durable des ressources en eau.

À Toulouse, un Sommet régional de l’eau s’est tenu à l’Hôtel de Région pour une journée de concertation autour de tables rondes, de prises de parole et d’ateliers. L’occasion aussi pour la présidente du Conseil Régional Carole Delga de présenter les grandes lignes du futur plan régional dédié à l’eau qui sera adopté en juin.

Ironie de la situation, c’est justement au lendemain de cette Journée mondiale de l’eau que le préfet de la région Occitanie et coordinateur du bassin Adour-Garonne, Pierre-André Durand, a tenu une con férence de presse pour alerter la population dès à présent sur le niveau des ressources en eau sur le territoire qui couvre 26 départements : de la Charente à la Garonne, de l’Adour au Lot, en passant par la Dordogne, le Tarn et l’Aveyron.

« Le bassin connaît une situation hydrologique exceptionnelle qui laisse présager une année sans précédent. La sécheresse hivernale 2023 succède à celle de 2022. Conséquence, les niveaux des cours d’eau sont extrêmement bas, les milieux aquatiques sont dégradés et malgré les pluies récentes sur l’ensemble du territoire, les réserves ne sont pas suffisamment remplies pour envisager sereinement l’été à venir. Pour faire simple : si on est confronté à un été aussi sec et caniculaire que celui de 2022, l’état actuel des réserves ne nous permettra pas de tenir. »

Et c’est chiffres à l’appui que le préfet a tiré la sonnette d’alarme : « En moyenne, le remplissage des ré serves est de 46 %, contre 80 % l’an dernier à la même époque. Dans l’Ariège, le lac de Montbel est rempli à 24%, celui de Mondély à 30%… J’en appelle donc à la responsabilité de tous. Il est important, à l’image des économies d’énergie qui ont été réalisées cet hiver, de sensibiliser non seulement les professionnels de l’agriculture, de l’industrie ou du tertiaire mais aussi tous les citoyens afin d’économiser l’eau dès à présent. »

Plan d’investissement à plusieurs millions d’euros

Et il y a urgence, sept départements ont déjà pris des arrêtés de vigilance, dont le Gers, la Haute-Garonne, les Hautes- Pyrénées ou encore l’Aude. Outre le vote d’un nouvel arrêté cadre « plus restrictif que le précédent » – qui doit permettre une meil leure gestion de la rareté de la ressource en garantissant « des prises de décision plus homogène à l’échelle d’un même territoire hydrologique » et en réduisant « le délai de mise en oeuvre des restrictions » – , des moyens financiers supplémentaires vont aussi être débloqués. Avec comme priorité la sécurisation de l’accès à l’eau potable.

Le plan de résilience de l’État a ainsi permis d’augmenter la capacité financière de l’Agence de l’eau Adour-Garonne de 39M€ entre 2022 et 2023.


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« Ces crédits doivent permettre d’accompagner les collectivités dans la réalisation de projets visant la sécurisation de l’alimentation en eau potable. Et la profession agricole pour réaliser davantage d’économie d’eau : une priorité d’action pour le bassin, a détaillé le préfet. Ces crédits doivent aussi répondre aux demandes des collectivités qui s’élèvent à 150 M€ cumulés pour mettre en oeuvre les travaux de restructuration visant à sécuriser l’approvisionnement en eau po table via la création de réseau xd’induction, de forages et d’usines de traitement… et garantir enfin en quantité et qualité suffisante l’alimentation en 2023 et en 2024. »

Des investissements importants qui viennent s’ajouter aux 100 M€ déjà déployés en 2021 et 2022 « pour les économies d’eau et l’efficience de l’utilisation de cette ressource dans l’agriculture ».

« Nous devons changer notre rapport à l’eau »

Les agriculteurs justement. Ils sont les premiers touchés par ce manque d’eau. Souvent décriés pour leur gestion des ressources, ils peuvent compter sur l’accompagnement de l’Agence de l’eau.

« Il faut promouvoir une agriculture de proximité grâce à une sécurisation de l’eau dans les sols pour pouvoir développer une alimentation qui ait un sens économique et environnemental. Il faut pour cela réorienter les pratiques, les filières… Car la facilité serait de dire simplement stop à toutes pratiques d’irrigation mais dans ce cas-là il faudra assumer de faire venir de l’étranger une partie de notre alimentation avec des impacts sur l’environnement considérable. 55% des haricots verts bio arrivent aujourd’hui d’Afrique. Ce n’est pas raisonnable, ni responsable », martèle son directeur général Guillaume Choisy.

Quid des industriels ? Là aussi, l’intéressé assure que la majorité d’entre eux ont déjà amorcé des changements.

« La sobriété énergétique dans laquelle ils se sont engagés a entraîné une sobriété de l’ensemble des ressources. Preuve en est, la multiplication des sollicitations de nos agents pour les aider à réduire leur consommation, notamment dans l’agroalimentaire et dans la papeterie où certains processus de production sont améliorés pour limiter l’utilisation d’eau, voire la réutiliser en circuit fermé. On a plus de 36 projets en cours dans les entreprises en Occitanie. »

Pour le directeur général de l’Agence de l’eau, les citoyens aussi doivent faire preuve de sobriété, mais pas que. « Nous devons collectivement changer notre rapport à l’eau dont la gestion est aujourd’hui un enjeu majeur de l’aménagement du territoire ».

Et le temps presse pour cette prise de conscience. Comme l’a en effet rappelé le Giec dans son dernier rapport, « nous avons 10 ans pour pouvoir engager cette transition avant de subir de réels changements pour lesquels les marges de manoeuvres seront plus limitées », annonce Guillaume Choisy et de conclure : « La période qui s’ouvre en termes d’investissements et de travaux engagés est l’équivalent de ce que l’on a vécu dans les années 60, 70 lorsqu’il a fallu apporter l’eau dans l’ensemble des communes françaises. » Une vraie révolution mais aussi un vrai challenge…