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Pionnière, la start-up Évidence renverse la table en matière de réemploi des emballages

Services. Installée au Grand Marché MIN de Toulouse, la start-up Évidence a investi 320 K€ dans une ligne de lavage de contenants alimentaires, une activité portée par l’essor du réemploi des emballages. L’entreprise, qui a pour ambition de traiter un million de contenants dès cette année, vise l’équilibre financier dès 2025.

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Photo de Mathieu et Charlotte Mendegris
Mathieu et Charlotte Mendegris, à la tête d’Évidence. (© Évidence)

Selon le programme Environnement de l’ONU, chaque année, l’humanité produit plus de 430 millions de tonnes de plastique. 46 % de ces déchets plastiques sont mis en décharge, tandis que 22 %, mal gérés, deviennent des déchets sauvages. Un fléau à l’échelle planétaire, contre lequel la France, à son échelle, tente de lutter avec l’adoption depuis 2018 de plusieurs lois : Egalim, Agec et Climat et résilience.

Ces différents textes fixent des objectifs ambitieux de réduction des déchets et de préservation des ressources, et pour ce faire, promeuvent le vrac et le réemploi des emballages. Une véritable révolution dans les pratiques qui entre graduellement en vigueur pour permettre aux différents acteurs concernés de s’adapter.

L’essor du réemploi des emballages fait ainsi émerger de nouveaux opérateurs spécialisés dans la traçabilité, la collecte, le transport, le stockage, le tri, le lavage et la remise en circulation des emballages réemployés. Parmi ces derniers, on trouve Évidence, une start-up qui a lancé en mai dernier une centrale de lavage des contenants alimentaires au cœur du MIN Grand marché de Toulouse. Selon le Réseau Vrac et Réemploi, on compte en France une soixantaine de centrales de lavage et seulement trois en Occitanie !

La restauration collective, l’événementiel…

« Nous avions vraiment envie de nous lancer dans un projet qui ait du sens », se souvient Mathieu Mendegris, qui avec sa femme Charlotte, a créé Évidence il y a deux ans à Toulouse après une prise de conscience. Un déclic en forme de pot de yaourts. Grands consommateurs de produits laitiers avec leurs enfants, ils ont l’idée de lancer une gamme de yaourts consignés. En développant cette première activité pendant 18 mois, le couple découvre une nouvelle problématique. « Nous nous sommes rapidement rendus compte qu’il y avait une forte demande de lavage pour tout type de contenants alimentaires », détaille le dirigeant. C’est pour répondre à cette demande, que le couple fait le choix de réorienter son projet et de lancer Évidence.

Subventionnée par la Région, la start-up a investi 320 K€ dans la création de cette unité de lavage unique à Toulouse. « Notre objectif est de proposer une solution logistique aux acteurs de l’agroalimentaire pour collecter, laver et livrer tout type de contenant alimentaire », explique Mathieu Mendegris. L’entreprise a mis en place un tunnel de lavage capable de laver aussi bien les bacs inox utilisés dans la restauration collective, que les bocaux en verre ou les gobelets et lunchboxes en polypropylène réutilisables, etc. Elle travaille également pour le secteur de l’événementiel. « Nous allons, par exemple, laver les Ecocup distribués lors du concert de Bigflo et Oli les 8 et 9 juin au Stadium. » Évidence devrait également prendre en charge ceux utilisés lors du Rose Festival et au Zénith« Tous ces acteurs n’avaient pas de solution optimisée sur le plan de la logistique et sur le plan écologique. Nous leur apportons une solution locale qui respecte toutes les normes sanitaires. »

La jeune pousse s’apprête à réaliser des tests avec le CHU de Toulouse, et – plus étonnant – avec la société Les Alchimistes. Celle-ci collecte les biodéchets auprès des professionnels pour les composter. Évidence pourrait prendre en charge le nettoyage de ces bacs de tri. Et Mathieu Mendegris d’ajouter :

En fait, tout le secteur de l’agroalimentaire est concerné par les lois Egalim et Agec. Tous sont appelés à faire des efforts en matière de réemploi. Mais tant qu’il n’y a pas d’acteurs pour répondre à leurs besoins, c’est compliqué de mettre en œuvre la logistique nécessaire. »

Alors que l’activité a démarré le 2 mai, l’entreprise compte déjà plusieurs clients : Biochamps, Bocal en Boucle, une start-up toulousaine installée au MIN qui développe une offre de restauration destinées aux entreprises via des frigos connectés et des emballages réutilisables eux aussi consignés, ou encore Elémen’terre, une association qui propose à la location de la vaisselle réutilisable. Et d’autres contrats sont en cours de négociation.

Profitant de sa position stratégique au cœur du Grand Marché, la start-up a noué des partenariats avec d’autres acteurs présents, dont Agriflux, opérateur de transports mutualisés. C’est lui qui s’occupera de la collecte et de la livraison des contenants.

« Nous arrivons pile au bon moment, assure Mathieu Mendegris. Le marché est en train de s’ouvrir car le besoin est là. Nous avons embauché deux personnes et souhaitons en recruter deux autres d’ici la fin de l’année ». Son ambition est en effet de traiter un million de contenants très rapidement pour atteindre 150 K€ de chiffre d’affaires dès cette année. Un montant qu’il espère voir quadrupler d’ici 2026. Et de poursuivre :

Notre véritable objectif est de promouvoir le réemploi. Or, nous nous frottons à beaucoup de réticences. Cela nécessite en effet de profonds changements d’habitude et ce n’est pas toujours simple ».

Combattre les réticences

Photo de la centrale de lavage d'Évidence
Installée au Grand Marché MIN de Toulouse, la centrale de lavage d’Évidence peut traiter jusqu’à 130 caisses de 49 contenants par heure. (© Evidence)

Pour preuve : alors que des villes comme Narbonne ont franchi le pas, la start-up toulousaine tente encore de convaincre les organisateurs du marché de Noël de la Ville rose d’utiliser des contenants réemployables. « Cela nous parait une évidence, sachant que cet événement draine un million de visiteurs et génère énormément de déchets. Nous avons toutes les capacités pour le faire. C’est en discussion, mais on sent que c’est dur de faire évoluer les mentalités. »

Pour continuer de se développer, Évidence propose également un accompagnement sur mesure intégrant le conseil, le sourcing de contenants réutilisables et des solutions de lavage adaptées. « Dans le secteur de la restauration rapide, beaucoup ne savent pas que depuis le 1er janvier dernier, la loi interdit l’utilisation de la vaisselle jetable. Pour répondre à leurs besoins, nous allons, d’ici la fin de l’année, leur proposer une offre incluant des contenants à acheter ou à louer. »

Pour finir de convaincre, l’entrepreneur rappelle l’argument du coût. « Nous sommes en train de démontrer deux choses : d’une part que le réemploi ne coûte pas forcément plus cher, et dans tous les cas, lorsqu’il est organisé en local, il est nettement plus vertueux que le recyclage. Et d’autre part, nous démontrons qu’une activité à vocation écologique peut aussi avoir une raison économique  », conclut Mathieu Mendegris.