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Immobilier, IA… Les dossiers chauds du nouveau président de la chambre des notaires

Droit. Le toulousain Hubert Létinier a été élu le 16 mai 2024 à la tête de la chambre des notaires de la cour d’appel de Toulouse. À son agenda, plusieurs gros dossiers : la crise du logement, l’arrivée de l’IA dans les études et une nouvelle mission, l’apostille.

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Photo d'Hubert Létinier
Hubert Létinier est le nouveau président de la chambre des notaires de la cour d’appel de Toulouse. (©Gazette du Midi)

Les 620 notaires exerçant dans les départements de l’Ariège, de la Haute-Garonne, du Tarn, du Tarn-et-Garonne, ont à leur tête un nouveau président depuis le 16 mai. Le toulousain Hubert Létinier, notaire associé, a en effet été élu président de la chambre interdépartementale des notaires de la Cour d’appel de Toulouse pour deux ans. Une instance en charge de nombreuses missions : elle a pour vocation de gérer, représenter, conseiller, contrôler et promouvoir le notariat dans le ressort des quatre départements.

Nommé notaire en 2012, le nouveau président âgé de 40 ans est engagé au service de la profession depuis de nombreuses années. Au sein du Conseil supérieur du notariat, il a rejoint dès 2015 un groupe de travail dédié aux actes électroniques authentiques, puis un second centré sur les nouveaux outils numériques en lien avec la publicité foncière. Vice-président de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Toulouse en charge du numérique à deux reprises (2017-2020 et 2023-2024), il a été en 2021 rapporteur dans le cadre du 117e congrès des notaires qui s’est déroulé à Nice sur le thème : « le numérique, l’homme et le droit ».

L’IA au service des études ?

Hubert Létinier a évidemment fait du numérique, sa marotte, un des axes de son mandat de président, et plus particulièrement l’intelligence artificielle. « Depuis l’avènement de ChatGPT, tout le monde, dans tous les corps de métier, se pose des questions, explique le notaire. Ces outils d’IA générative sont-ils fiables ? Ne vont-ils pas nous remplacer ? Il me paraît donc avant tout important de comprendre comment ces outils fonctionnent et d’en connaître les limites, ce qui nécessite d’être formé », détaille-t-il. Le nouveau président veut ainsi préparer ses confères à l’arrivée de l’IA dans les études.

Un vaste chantier sur lequel planche déjà le Conseil supérieur du notariat avec les éditeurs de logiciels et de revues juridiques. « De nouveaux outils d’IA vont arriver qui pourront nous servir dans la rédaction d’actes. Ils pourront également nous aider à optimiser le pilotage de nos entreprises, notamment pour ce qui concerne la gestion du temps et des compétences », ajoute Hubert Létinier.

Autre sujet brûlant sur le bureau du nouveau président de la chambre des notaires : les difficultés du marché immobilier. Depuis plusieurs trimestres, le nombre des transactions est en chute libre avec une baisse des volumes, tous biens confondus, de 31% en 2023 et un recul encore plus marqué dans le neuf (-56 % en 2023). Cet effondrement du marché a de lourdes conséquences sur l’ensemble des acteurs du secteur : agents immobiliers, promoteurs, professionnels du bâtiment.

Les études de notaires ne sont pas épargnées : « Certaines ont dû adapter le temps de travail quand elles l’ont pu ou procéder à des licenciements économiques », reconnaît Hubert Létinier. Mais au-delà des intérêts catégoriels, ce qui le préoccupe « c’est la crise du logement qui concerne toute la population. Les Français ont du mal à se loger, n’ont pas les moyens de trouver le logement qui leur convient et se retrouvent parfois dans des situations précaires. C’est un véritable sujet de société », estime-t-il.

Des recettes fiscales en moins

Alors que le marché est grippé et ne montre aucun signe de reprise, le notaire veut profiter de son mandat pour se rapprocher des autres professionnels du secteur pour « mener des réflexions en commun » et « peser plus lourd » face aux pouvoirs publics qui, jusque-là, sont restés sourds aux signaux d’alerte lancés depuis des mois par les différentes fédérations professionnelles. « Beaucoup de particuliers nous font part de leurs craintes économiques, mais aussi de leur envie d’investir. On récent très clairement leur regret de voir la fin des dispositifs de soutien à l’investissement de type Pinel », assure Hubert Létinier. Et d’ajouter :

Nous ne demandons pas au gouvernement de refaire la même chose mais de trouver des solutions nouvelles. On peut imaginer d’autres incitations fiscales liées à l’immobilier ou bien des lois de défiscalisation axées sur les préoccupations actuelles telles que l’environnement. Discuter avec les autres professionnels nous permettra d’avancer sur l’élaboration de ces solutions. »

Selon le notaire toulousain, un autre argument pourrait conduire le gouvernement à infléchir sa position. S’appuyant sur les statistiques des ventes immobilières que dresse chaque année le notariat, Hubert Létinier pointe en effet les conséquences de cet effondrement du marché sur les ressources des collectivités. « Notamment sur les finances des conseils départementaux puisqu’à chaque cession d’un bien immobilier, 4,5 % du prix de vente partent dans les caisses du Département et 1,2 % dans celles de la mairie, rappelle le notaire toulousain. C’est donc beaucoup d’argent que les collectivités n’ont plus. Sans compter, lors de l’achat d’un bien neuf auprès d’un professionnel, le prélèvement de la TVA, soit 20 % du prix, perdu par l’État… »

Une nouvelle mission : l’apostille

En arrivant à la tête de la chambre interdépartementale des notaires de la cour d’appel de Toulouse, Hubert Létinier hérite d’un autre volumineux dossier au joli nom d’apostille. Instaurée par la convention de La Haye du 5 octobre 1961, l’apostille désigne la légalisation simplifiée d’un acte officiel français (diplôme universitaire, acte de naissance, de mariage, de succession, Kbis, etc.), en vue de le produire à l’étranger. À compter du 1er janvier 2025, la délivrance de l’apostille, opérée jusque-là par les 34 cours d’appel, sera transférée à 15 présidents de chambre des notaires dont celle de Toulouse.

Un transfert qui n’a rien d’anodin : « 400 000 apostilles sont délivrées chaque année en France, précise Hubert Létinier, et nous estimons entre 15 000 et 25 000 le nombre d’apostilles à Toulouse ». Pour faire face à cette nouvelle mission qui lui incombe, la chambre envisage des recrutements ainsi qu’un possible aménagement de ses locaux afin d’accueillir le public, sachant qu’il sera possible d’effectuer cette démarche en partie en ligne.

« Notre ambition est de remplir cette mission de la meilleure manière possible et que les demandes soient traitées très rapidement », assure le président. Des formations à cette spécificité du droit international sont également programmées au sein de la chambre pour permettre au personnel de conseiller au mieux les usagers. Un « joli chantier » qu’Hubert Létinier endosse avec enthousiasme. « Nous allons rendre service à beaucoup de Français. C’est une bonne chose ! », conclut-il.