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Règlement amiable des litiges : la coopération désormais renforcée entre le juge et les parties

Procédure. Le décret du 18 juillet 2025 portant réforme de l’instruction conventionnelle et des modes amiables de règlement des différends (MARD) fait désormais de l’instruction amiable le principe directeur du procès, un véritable changement de paradigme. La réforme est entrée en vigueur le 1er septembre 2025.

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Le nouvel article 21 du code de procédure civile consacre un principe de coopération entre le juge et les parties, destiné à renforcer le recours aux modes amiables. (©Pixabay)

Pour désengorger les tribunaux, le législateur a depuis quelques années multiplié les modes amiables de règlement des différends (MARD). Véritables alternatives au procès, ces dispositifs visent à favoriser la recherche d’un accord entre les parties d’un litige. Objectif ? Aboutir plus rapidement à une solution et éviter les coûts d’une procédure en justice.

Tous les contentieux, qu’ils soient privés, professionnels ou commerciaux, peuvent ainsi se résoudre par un accord amiable selon différentes procédures (conciliation, médiation, règlement amiable, mise en état conventionnelle). Depuis octobre 2023, il est d’ailleurs obligatoire de recourir à une tentative de règlement amiable pour les litiges ne dépassant pas 5 000 €, les conflits de voisinage ou les troubles anormaux de voisinage.

Une procédure amiable peut se dérouler dans le cadre d’une action judiciaire, ou en dehors, avec la possibilité de faire appel à un juge à tout moment. Le juge a traditionnellement la mission de trancher les litiges mais également de tenter de concilier les parties.

Un décret daté du 18 juillet 2025 vient renforcer l’incitation à recourir aux MARD. Il prévoit en effet que le juge doit désormais déterminer avec les parties le mode de résolution, amiable ou contentieux, le mieux adapté. Si la voie amiable est décidée, le juge doit guider les parties vers le mode de règlement amiable le mieux adapté, voire leur enjoindre de rencontrer un médiateur.

L’instruction amiable devient le principe

La réforme pose un nouveau principe en matière de mise en état. La mise en état est la phase de la procédure judiciaire qui permet l’instruction de l’affaire de façon à pouvoir venir à l’audience pour être plaidée et jugée (échanges des conclusions, communication des pièces, recours à un expert…).

De fait, le code de procédure civile dispose désormais que « les affaires sont instruites conventionnellement par les parties. À défaut, elles le sont judiciairement » (code de procédure civile, article 127). Ainsi, pour les procédures civiles, privées ou professionnelles, en première instance comme en appel, la mise en état par le juge est l’exception, l’instruction amiable devenant le principe.

Une procédure simplifiée

Cette nouvelle procédure amiable de mise en état est dénommée instruction conventionnelle simplifiée. La mise en état conventionnelle existe depuis une loi de novembre 2016 sous la forme d’une procédure participative aux fins de mise en état qui permet aux avocats des parties d’instruire eux-mêmes le litige.

L’instruction conventionnelle simplifiée qui vient d’être instituée constitue désormais la procédure de droit commun. Elle a la même finalité que la procédure participative mais se caractérise par une absence de formalisme et de recours aux avocats, même dans les actions pour lesquelles la représentation par avocat est obligatoire.

L’instruction conventionnelle simplifiée peut intervenir en première instance comme en appel. Elle a pour objet de délimiter l’objet du litige, chaque partie précisant ses prétentions, et de s’accorder sur les modalités et les délais de communication des conclusions et des pièces.

Elle peut aussi permettre de décider de recourir à un technicien pour effectuer un constat ou une expertise, ou donner une consultation. L’accord issu de la procédure amiable a une valeur juridique et peut être rendu exécutoire par le juge ou le greffier afin de lui donner une force contraignante.

Déroulement de la procédure

La convention sur cette procédure amiable peut être conclue directement entre les parties. Elle peut l’être également entre avocats ou entre un avocat représentant une partie et une partie sans avocat. Elle est conclue au début de l’instance mais peut l’être également à tout stade de la procédure. Les parties en informent le juge par voie de conclusions concordantes ou en communiquant une copie de la convention.

Dans un délai de six mois à un an (ou en fonction des modalités de la convention et de la complexité du litige), une audience permet au juge de déterminer si l’affaire est en état d’être jugée et de fixer la date de l’audience de plaidoiries. Si le juge constate que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, il peut décider de reprendre l’instruction par voie judiciaire.

Le juge n’est pas dessaisi et doit veiller au bon déroulement de la procédure amiable, particulièrement lorsque une seule des parties est représentée par un avocat. À tout moment au cours de l’instruction conventionnelle, il est possible de faire appel au juge en cas de non respect de la convention par une des parties.

Si le juge estime que la convention ou sa mise en œuvre ne préserve pas suffisamment les principes directeurs du procès ou le droit au procès équitable, il peut décider d’instruire l’affaire judiciairement. Il peut en être ainsi, en cas de déséquilibre dans les délais de conclusion, d’atteinte au principe de la contradiction... Le juge peut également être saisi pour qu’il statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir, un incident ou une mesure conservatoire ou provisoire.

Audiencement prioritaire

Les affaires dont la mise en état s’est déroulée à l’amiable bénéficient d’un audiencement prioritaire (avec par exemple des plages réservées à ces dossiers sur les calendriers d’audiencement). À noter que la conclusion de la convention interrompt le délai de péremption de l’instance, c’est-à-dire l’anéantissement de l’instance en raison de l’inaction des parties pendant deux ans.

Le juge peut en décider autrement s’il constate le manque des parties à mettre en œuvre la convention, en cas de comportement abusif des parties, tel des manœuvres dilatoires. Les dispositions concernant l’instruction conventionnelle simplifiée ne s’appliquent pas aux instances en cours mais uniquement aux instances introduites à compter du 1er septembre 2025.