Sobriété énergétique en entreprise : quels impacts sur les conditions de travail ?
Social. Anne-Lise Castell, juriste aux Editions Tissot, spécialiste du droit du travail, fait le point sur le plan de sobriété énergétique lancé en 2022 et ses incidences sur le cadre de vie des salariés en entreprise.
Le bilan du premier plan de sobriété énergétique lancé en 2022 montre une diminution globale de la consommation d’énergie de 12 %. Un effort qui doit se poursuivre pour diminuer notre consommation de gaz et d’électricité de 10 % à fin 2024 et de 40 % d’ici 2050 (par rapport à 2019). Quelles sont les pistes d’économies possibles, les nouvelles mesures applicables aux entreprises ? De quelle façon peuvent-elles modifier les conditions de travail des salariés ?
Les mesures qui n’impactent pas les conditions de travail
Le covoiturage qui permet depuis 2023 de bénéficier du coup de pouce de 100 € pour les trajets au quotidien dépend des possibilités des salariés de le pratiquer. 160 000 conducteurs sont déjà engagés dans le dispositif.
Le remboursement des dépenses de transport des salariés qui utilisent les services de location de vélos privés ne modifie pas, lui non plus, les conditions de travail. Aujourd’hui de 50%, comme pour les transports en commun, il devrait être étendu. La réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui mettent une flotte de vélos de fonction à disposition de leurs salariés sera prorogée jusqu’au 31 décembre 2027.
En revanche, passer de 130 km/h à 110 km/h sur l’autoroute sur les trajets personnels comme professionnels peut s’avérer un défi difficile à relever pour les professionnels du transport, de la livraison ou de la prospection commerciale pour lesquels le temps est compté. Et ce, même si ce ralentissement économise 20 % de carburant et 20 % d’émissions de gaz à effet de serre.
Attention aux économies d’énergie dans les locaux de l’entreprise !
Passer à l’éclairage Led ou isoler les réseaux d’eau dans tous les bâtiments et mettre en place des systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments ne pose aucune difficulté et évite 20 % de gaspillage énergétique.
Il n’en va pas de même pour la température des locaux et leur ventilation :
- Les 19°C pour les pièces occupées, 16°C hors période d’occupation et 8°C si les lieux sont inoccupés plus de 2 jours sont toujours de rigueur, sachant qu’1°C de moins c’est 7 % de consommation d’énergie en moins. Il est d’ailleurs recommandé de s’équiper de thermostat programmable pour consommer 6 à 10 fois moins d’électricité.
- La ventilation dans les bureaux, salles ou bâtiments inoccupés doit être arrêtée lorsque cela est possible pour économiser 50 % de consommation d’énergie.
Attention à ne pas aller trop loin : les économies d’énergie ne doivent pas se faire au détriment de la protection de la santé et la sécurité des salariés, dont l’employeur est comptable en toute circonstance. S’il prend des mesures trop drastiques il pourrait donc voir sa responsabilité engagée et un manquement à l’obligation de sécurité reconnu. Une modification des conditions de travail peut en principe être imposée à un salarié même sans son accord. En revanche, tout changement important dans l’organisation, les procédés ou les conditions de travail nécessite une réévaluation des risques. Et donc une mise à jour du document unique et une consultation des représentants du personnel.
Le télétravail permet-il vraiment d’économiser l’électricité ?
Les premiers résultats d’une expérimentation commandée par le Ministère de la Transition écologique et menée par l’Ademe et l’IFPEB montrent que l’impact du télétravail est jugé « négligeable » sur les consommations d’électricité lorsque celui-ci n’implique pas une fermeture de site.
En revanche, les résultats s’avèrent concluants en cas de fermeture des sites de bureaux sur une journée, avec 25 % à 40 % d’économies d’énergie moyennes sur les journées de fermeture et un gisement maximum potentiel de 60 %. Le télétravail doit donc s’organiser en prenant en compte l’intérêt énergétique, avec des fermetures de sites.
Rappelons qu’il doit faire l’objet d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée après avis du comité social et économique (CSE), s’il existe. Il est toutefois possible de l’instaurer en signant de simples accords avec les salariés.