Anne-Laure Darasse
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Anne-Laure Darasse

Une optique écolo et humaine.

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Anne-Laure Darasse
Anne-Laure Darasse. (Crédit : DR)

17 millions de montures optiques ont été vendues en France en 2021. Combien ont été recyclées ou réutilisées ? Difficile à savoir, comme l’explique un article paru sur le site internet Les Échos Planète en début d’année, « Les lunettes, un secteur rétrograde en matière écologique »*. D’un côté, l’intérêt du public pour l’impact environnemental de ce secteur est limité, et de l’autre, les professionnels de la filière ont tardé à mettre en place des solutions durables. À quelques exceptions près. Anne-Laure Darasse, opticienne montalbanaise, est impliquée dans cette problématique depuis une demi-douzaine d’années. À l’époque, elle était employée par une franchise connue. « Une offre commerciale proposait plusieurs paires pour le prix d’une. Mais les clients n’utilisent pas les deuxième et troisième paires, donc elles ne servent à rien, et donc c’est du gâchis. Cela a été le départ de ma réflexion écoresponsable. » Cet intérêt pour le devenir comme pour la provenance des lunettes est aujourd’hui un élément fondamental de sa démarche professionnelle, mise en oeuvre dans le magasin qu’elle a ouvert à Montauban en 2018, « Nouveau regard par Anne-Laure ».

OPTICIENNE DU FUTUR

Concrètement, elle se fournit auprès de petits créateurs engagés. « Ils sont écoresponsables comme moi, et travaillent soit avec des matériaux biosourcés, soit biodégradables, soit à partir de plastique récupéré des océans. » Anne-Laure Darasse fait du lobbying auprès de ses clients pour récupérer leurs anciennes montures, qu’elle remet elle-même en état et au goût du jour, ou qu’elle donne à l’association Lions Medico Club pour être envoyées dans des pays où il y a des besoins énormes et peu de moyens. Depuis peu, l’opticienne a mis en place une incitation supplémentaire : elle propose un bon d’achat en échange des lunettes qui viennent de chez elle et ont été acquises depuis moins d’un an, pour les revendre d’occasion. La gérante du « Nouveau regard par Anne-Laure » n’est pas la seule à se soucier de l’aspect écologique, mais l’ensemble des pratiques mises en oeuvre la placent clairement parmi les opticiens du futur.

Ce sont les aspects humains et scientifiques qui ont attiré Anne-Laure Darasse vers le monde de l’optique. Née en 1986 à Castres, dans le Tarn, c’est dans cette sous-préfecture qu’elle entreprend des études dans le domaine de la chimie, et intègre un DUT en 2006. « Je voulais être technicienne de laboratoire, mais c’était plutôt barbant. J’aime les matières scientifiques, mais je me suis aperçue que l’aspect humain manquait. » La jeune femme décide alors d’abandonner après quelques mois, et enchaîne les petits boulots, dans un restaurant ou pour une discothèque. La rentrée 2007 arrive, elle tente une nouvelle orientation avec un BTS optique en alternance.

Ma reconnaissance, c’est la satisfaction de mes clients, la fierté de voir des gens parfois pas bien dans leur peau, de leur apporter du bonheur, de faire en sorte qu’ils se sentent bien, qu’ils se sentent beaux.

« Je pouvais appliquer directement ce que je voyais à l’école, avec un aspect humain et commercial. Quand on travaille avec un professionnel, on peut demander directement des explications lorsqu’on ne comprend pas. » Le rythme est intense, l’enchaînement des cours et des longues journées de boulot est éreintant mais Anne-Laure Darasse se prend au jeu, et décroche un joli poste en 2010, à la sortie de ses trois années d’étude. « J’étais en alternance chez un opticien indépendant à Castres, je voulais voir comment c’était dans une franchise, et j’avais envie de changer de département. Je suis devenue directement responsable pour une grande enseigne à Montauban. »

EXPÉRIENCE FORMATRICE

Cette première expérience, dans une boutique de plusieurs centaines de mètres carrés, est très formatrice : elle apprend la gestion d’une équipe et des stocks. Mais il manque rapidement quelque chose. « La relation avec la clientèle était trop impersonnelle, il ne fallait pas passer trop de temps avec eux. Pourtant, ils nous confient leur vue et leur look, ce ne sont pas juste des portefeuilles, il faut créer une relation de confiance. » Après une demi-douzaine d’années dans ce magasin, Anne-Laure Darasse s’épuise. « Il y a eu une réduction d’effectif, puis le système de primes a été arrêté : j’avais le sentiment que mon travail n’était pas reconnu. » Elle commence à envisager sérieusement de travailler à son compte. « Cela m’a pris un an pour monter mon projet, trouver un local, etc. Je suis super organisée donc ça s’est relativement bien passé dans la préparation. » Fin 2018, « Nouveau regard par Anne-Laure » ouvre ses portes, avec une démarche écoresponsable et une relation clientèle à l’image de la patronne.

Elle prend le temps avec chaque client, fait du conseil, sélectionne une monture en fonction de la personnalité, et propose des modèles uniques. « Ma reconnaissance, c’est la satisfaction de mes clients, la fierté de voir des gens parfois pas bien dans leur peau, de leur apporter du bonheur, de faire en sorte qu’ils se sentent bien, qu’ils se sentent beaux. » Sa démarche, qu’elle présente au quotidien sur les réseaux sociaux, est reconnue et appréciée en Tarn-et-Garonne : membre du club des ambassadeurs de la ville de Montauban, Anne-Laure Darasse a été primée début octobre au concours des entrepreneurs du développement durable organisé par la Jeune chambre économique de Tarn-et-Garonne.

* « Les lunettes, un secteur rétrograde en matière écologique », les Échos Planète, 7mars 2022 https://planete.lesechos.fr/solutions/les-lunettes-un-secteur-retrograde-enmatiere-ecologique-13108/