Dominique Raynal
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Dominique Raynal

Engagement préventif.

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Portrait de Dominique Raynal
(Crédit : J. Legeron)

Les virages professionnels ou les changements de décor tiennent parfois à peu de choses ou se déclenchent d’un coup d’un seul : un hasard, une rencontre, un événement personnel, une résonance particulière. Pour Dominique Raynal , qui cumule plus de 40 ans de carrière dans le domaine des ressources humaines et plus de trois décennies dans le monde associatif, c’est un panaché de tous ces éléments. Et la chance lui a souri. Thésard, puis journaliste pendant 10 ans, avant de devenir chef du personnel et des ressources humaines, il est passé de l’industrie aéronautique, à la santé tout en faisant un détour par le BTP. En parallèle de ses fonctions actuelles à l’Institut Claudius Regaud, principal moteur de l’Oncopole de Toulouse, qui prendront fin en mars prochain, il préside depuis trois ans l’Adimep. Cette association à but non lucratif, dans laquelle il oeuvre depuis plus de 20 ans, met en place des actions de prévention et d’éducation à la santé.

« Cette association a été fondée par le Dr Fernet, qui a mis en place l’informatisation du CHU de Toulouse et le Pr Carton, ancien directeur du DRAC devenu l’Institut Claudius Regaud, lequel m’a accueilli alors que je venais du milieu du BTP. Il avait dit ses mots justes : “maintenant, on soigne les gens et on les fait vivre plus longtemps, la problématique est de savoir comment accompagner les patients qu’on a aidés à ne pas mourir” et il avait raison. Lors de la création de la structure en 1970, ce n’était pas encore entré dans les moeurs. Je l’ai épaulé dans ce projet, d’abord au sein du conseil d’administration. Aujourd’hui, j’ai accepté d’en prendre la présidence, à la demande de mon prédécesseur, le Pr Ghisolfi, ancien président de la commission médicale d’établissement du CHU Toulouse, bien que je ne sois pas médecin. Déjà à l’époque, ce projet me semblait nécessaire pour réduire la survenue des maladies ». Dominique Raynal en est convaincu et a fait du leitmotiv « Prévenir plutôt que guérir », sa règle de vie. La prévention reste encore le maillon faible en France, alors qu’elle peut éviter deux-tiers des décès. Les bilans de santé demeurent encore peu développés malgré les efforts engagés.

L’Adimep a, pour sa part, réalisé dans l’Hexagone 800 000 bilans de santé depuis sa création, ce qui est à la fois beaucoup et pas assez, auprès de structures demandeuses mais aussi de secteurs comme l’agriculture ou encore le clergé, des populations souvent éloignés des soins. « Certains agriculteurs, par manque de temps ou résidant dans des déserts médicaux, faisaient appel à des vétérinaires pour obtenir des antibiotiques, ce qui est affligeant, pointe-t-il. L’Adimep a ainsi pour objectif de se déplacer auprès des populations et d’apporter une valeur ajoutée, également sur le plan social ». L’association, qui est à l’initiative des bilans de santé, s’est pourtant fait devancer par l’Assurance maladie, qui elle aussi propose une évaluation gratuite aux assurés et ayants droit affiliés au régime général, ainsi que l’Argir-Arrco, bien que beaucoup l’ignorent. Aujourd’hui, l’enjeu pour le président est notamment de recentrer sa mission vers les entreprises.

Mobiliser les connaissances en matière de santé

« Il faut régénérer l’Adimep, d’autant que nous avons perdu un marché avec la mutualité sociale agricole (MSA). Pendant la crise de la Covid, nous avons effectué beaucoup de vaccins, mais mis de côté le reste. Désormais, nous déployons d’autres activités, comme le vaccin contre la grippe, qui sont une porte d’entrée pour convaincre les entreprises de consacrer des budgets à l’identification des risques sanitaires, d’autant que la loi santé au travail (2 août 2021) leur impose davantage de prévention dans un environnement dégradé par la pandémie. C’est une belle idée mais qui n’est pas encore traduite par l’instauration d’une enveloppe budgétaire alors que cela pourrait rentrer dans le cadre de la QVT. Les grands groupes et PME, doivent toutefois réfléchir à la mise en place des bilans de santé qui peuvent notamment intervenir à des moments clé de la carrière. » Les financements restent donc le point noir, sachant qu’un parcours longévité frôlerait 980 € par actif et 1 300 € pour un retraité. L’objectif est d’atteindre 200 bilans par an mais « cela va être dur, il faut vraiment démocratiser ça ».

« J’ai défendu l’idée que la valeur essentielle n’est pas l’argent mais le temps. »

Pour ce faire, Dominique Raynal se réjouit du nouveau partenariat noué avec l’Institut Pasteur de Lille où a été lancé le premier parcours longévité en 2017. Il accueille depuis peu à Toulouse ses premiers bénéficiaires. « Ce rapprochement permet de mobiliser les connaissances, d’amorcer la pompe. Il n’y a pas de raison que cela fonctionne à Lille et pas à ici. » Un cap supplémentaire, comme l’espère le sexagénaire, – également à la tête depuis 18 mois du groupement d’intérêt public santé éducation (GIPSE) à Toulouse, dédié à la formation continue des professionnels de santé –, qui devrait booster l’activité de l’Adimep, en manque de souffle. Il a également à coeur de favoriser une synergie entre les deux structures associatives en vue de mutualiser les moyens humains et financiers. « Ça prend de l’énergie et du temps. Autant avoir une structure qui fait des contrats uniques, la formation du personnel soignant et des libéraux étant obligatoire. Pour tout, il faut évaluer ce que ça coûte. Je me considère comme un spécialiste de la phase de décollage mais après il faut voler. L’associatif ne doit pas être plus une source d’ennuis que de satisfaction », souligne-t-il.

Ce Gersois pur sucre, l’aîné d’une fratrie de cinq enfants, – né d’un père ouvrier agricole qui a créé une société de transport et d’une mère vendeuse –, et qui grandit d’abord à Gaillac puis à partir de six ans dans le quartier de Nougaro à Toulouse, nourrit depuis longtemps la fibre associative, laquelle dans quelques mois sera sa planche de salut. Cela a commencé par le rugby, une passion transmise par ses aïeuls qui admet-il « l’émancipe ». À 12 ans, il intègre l’équipe du Rugby à XIII. À 16 ans, il est à la fois sur le terrain et formateur. Plus tard, cet ancien joueur qui évolue en national I, devient co-président du club sportif Toulouse XIII de 1995 à 2001, qui réunit 50 dirigeants, 25 semi-professionnels, 200 licenciés et qu’il redresse en cinq ans. Il participe également à la création de La Table Ovale – aux côtés de Carlos Zalduendo, ancien président de la Fédération Française de Rugby à XIII –, support financier du club qui réunit près de 600 membres dont une majorité de décideurs et de chefs d’entreprise de la région.

« Ne pas sortir de son rôle »

Une passion qu’il vit également à travers sa casquette de chroniqueur sportif à Radio France, France Inter, Toulouse Matin et La Montagne. Un métier qu’il apprend sur le tas, grâce à un journaliste qu’il rencontre lors d’un match. « Ça s’est fait comme ça. Mais au bout de 10 ans, j’en avais fait le tour et j’avais sur tout un autre métier. » En parallèle de cette première carrière, le doctorant en sciences économiques soutient, en 1986, une thèse intitulée « Une approche temporelle des comportements d’offre individuelle du travail » qui fera l’objet d’une publication par le CNRS. « J’ai défendu l’idée que la valeur essentielle n’est pas l’argent mais le temps. » Comme si cela ne suffisait pas, le thésard, qui a également été pion, (ce qui lui a permis de financer ses longues études), décide de se lancer dans les ressources humaines. « J’ai envoyé 80 CV et la famille Robarday m’a donné ma chance, bien que je sois arrivé à l’entretien avec un coquard, se souvient-il. Là-bas, j’ai appris la base, à faire des fiches de paie et mis en place un système informatisé ».

Quatre ans après, un chasseur de tête le débauche. Il intègre le groupe Spie Batignolles où il devient chef du personnel et des RH des filiales Sud-Ouest. Il participe à des projets nationaux, comme la mutation des Conventions Collectives, ou encore la fondation d’une école privée d’apprentissage en maçonnerie. « Au cours de ces cinq ans d’expérience, j’ai appris les procédures dans un milieu où l’on fait de très belles carrières ». À la proposition de poste de GRH (génie civil) pour gérer toutes les activités du groupe du BTP et « une vie dans les avions », il préfère opter pour un autre milieu qu’il appréhende à travers une expérience personnelle.

« Mon père est tombé malade et le CHU l’a sauvé. À ce moment-là et après avoir observé le personnel, j’ai eu un déclic. J’ai postulé à une annonce et j’ai obtenu le poste. Je m’occupe aujourd’hui de plus 3500 personnes. C’est une petite ville, un écosystème qui regroupe quatre structures. Dans les trois secteurs où j’ai évolué, il y a une constante, à savoir une relation humaine forte. Il faut rester rigoureux, mettre de l’équité, ne pas mettre les gens dehors à la première erreur et entretenir les relations. Il faut aussi savoir s’adapter aux procédures et ce n’est pas toujours facile pour tout le monde. Outre des valeurs et le goût du combat, le rugby m’a appris une leçon, un jour où j’ai manqué un plaquage, et qui m’a accompagné tout au long de ma carrière : ne pas sortir de son rôle. Cela m’a fait progresser par la suite dans le respect des procédures », conclut le DRH et père de trois enfants qui s’implique aussi dans d’autres actions notamment dans la politique nationale des centres de lutte contre le cancer ou à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse depuis 2014. Un homme qui a trouvé du sens dans le sport et les RH, au service aujourd’hui de la santé.