Inutile de chercher le bureau de Frédéric Malfilatre au siège d’Harmonie Mutuelle, dans le quartier de la Terrasse à Toulouse, pour la bonne raison qu’il n’en a pas. Ce n’est pas faute d’espace, mais un choix assumé. Celui qui occupe le poste de directeur régional depuis un an préfère, à la posture du manager en retrait, travailler au sein de ses équipes, soit près de 400 collaborateurs aujourd’hui pour quelque 360 000 adhérents en Occitanie. « Je reste tel que je suis, et dans l’échiquier de l’organisation, je suis une des personnes, qui parmi d’autres, font avancer le grand projet que nous portons, explique-t-il. Et donc, volontairement je n’ai pas de bureau. J’ai parfois besoin de m’isoler mais le plus souvent, je m’installe près de mes équipes, dans l’open space, parce que je souhaite faire partie de l’équipe et non pas être un directeur hors d’atteinte. C’est comme cela que j’ai avancé. C’est en libérant la parole, en ayant confiance dans les personnes avec qui on travaille qu’on avance collectivement. »
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Avancer est le mot juste. Frédéric Malfilatre n’est pas diplômé d’une prestigieuse école de management, ni issu d’une grande université, mais s’il est à son poste, ce n’est pas par hasard. Homme du terrain, il a « gravi tous les échelons » et tire une réelle fierté de ce parcours « parce que je me le suis gagné, par un peu de créativité et le fait de faire les choses un peu différemment ». Illustration de cette inventivité avec le succès du Harmonie Lab’Entreprises, « un temps de partage d’expériences, d’échanges de bonnes pratiques et d’inspiration » autour d’une personnalité, organisé sous son impulsion et qui a permis au fil de quatre ou cinq sessions d’attirer dans ses locaux entre 300 et 400 chefs d’entreprise pour réfléchir sur des thématiques RH. Une « opération de relation publique » qui a permis à la mutuelle « d’améliorer sa visibilité sur le territoire », assure-t-il. Dans la foulée du Lab, Frédéric Malfilatre a initié un think tank qui s’intéresse à la cohésion sociale en entreprise, un sujet crucial pour les DRH en plein Covid. « De fait, tous les gens, autour de la table, sont convaincus qu’une entreprise ne marche que parce qu’il y a du lien social, ils croient en la valeur humaine au sein de l’entreprise et moi j’y crois aussi beaucoup ».
UN PARCOURS FORMATEUR
Ces convictions, Frédéric Malfilatre les a forgées au fil d’expériences aussi variées que marquantes qu’il a récemment évoquées à l’occasion d’une prise de parole lors du congrès du CJD à Toulouse. « J’ai eu deux ou trois déclics dans ma vie, explique-t-il. Le premier à l’âge de 18 ans. J’ai fait un truc qui, à l’époque, m’a paru un peu exceptionnel : j’ai réussi à faire l’ascension du mont Blanc, un exploit sportif tout à fait relatif puisqu’aujourd’hui des milliers de personnes le font chaque année. Cela a pourtant marqué mon parcours parce que, sur une cordée de sept ou huit personnes, j’étais le seul à être parvenu à le faire. Ce jour-là, cela a été comme un déclic. Je me suis dit qu’avec un peu plus d’entraînement, de travail, d’implication, de volonté et de mental, je pouvais faire des choses que d’autres n’arrivaient pas à faire, des choses un peu exceptionnelles. Cela m’a aussi permis d’avoir confiance en moi, alors que gamin, j’étais super timide, et de m’assumer tel que je suis avec mes qualités et mes défauts, mes points forts et mes failles. Et cela me sert encore aujourd’hui. » Ce fils d’un soudeur aéro chez un sous-traitant d’Airbus et d’une couturière – « une famille modeste mais qui m’a donné tout ce qu’il fallait et une bonne stabilité psychologique pour avancer dans la vie » – a obtenu un BTS action commerciale, après quoi « il a fallu que j’aille travailler ».
« J’ai réalisé qu’avec un peu d’intelligence émotionnelle et situationnelle, […] je pouvais faire des choses intéressantes dans ma vie »
Là aussi plutôt par choix. « L’école, ce n’était pas trop mon truc, reconnaît cet ancien dyslexique. Aujourd’hui, ce trouble est traité, mais à l’époque, lorsque j’avais 10 ans, j’étais considéré comme un mauvais élève. Une fois rentré dans le monde de l’entreprise, en revanche, j’ai compris ce que je pouvais faire, les compétences que j’avais. J’ai réalisé qu’avec un peu d’intelligence émotionnelle et situationnelle, avec du travail aussi, je pouvais avoir une petite longueur d’avance par rapport aux autres, en toute modestie. Je pouvais faire des choses intéressantes dans ma vie. » D’abord conseiller immobilier, puis chargé d’affaires chez France Telecom, manager d’un call center au sein de l’Urssaf puis à nouveau chargé d’affaires au sein de la Mutuelle du Rempart, Frédéric Malfilatre multiplie les expériences, animé par « la soif d’apprendre », avant de rejoindre Santévie, qui, après la fusion de cinq mutuelles interprofessionnelles, donnera naissance à Harmonie Mutuelle.
« Aujourd’hui, ce qui est important, c’est de prendre soin de ma santé, physique, mentale, psychologique »
Au fil de ce parcours, à l’aube de la trentaine, une autre expérience marque Frédéric Malfilatre. « La maladie est venue me visiter. On m’avait diagnostiqué un mélanome que j’ai pu prendre à temps. Aujourd’hui, tout va bien, mais sur le coup, le fait de passer de personne en bonne santé à malade, ça change vos priorités, cela vous fait revenir aux choses simples, essentielles de la vie. Aujourd’hui, ce qui est important, c’est de prendre soin de ma santé, physique, mentale, psychologique. Et cela se répercute aussi sur les personnes avec qui je travaille parce que, là aussi, on revient à des choses simples de la vie d’équipe. Cela permet d’échanger, de coopérer simplement entre les uns et les autres, dans le but d’avoir un résultat et de prendre du plaisir dans ce que l’on fait. » Ces deux déclics lui permettent aujourd’hui d’assumer un rôle de directeur « en toute quiétude », pleinement en phase avec les grands enjeux auxquels le secteur mutualiste doit faire face après la généralisation il y a cinq ans de la mutuelle d’entreprise, deux années de Covid et l’entrée en vigueur du 100 % santé, qui ont bouleversé le modèle économique des mutuelles.
« Nous sommes convaincus que nous avons un rôle positif à jouer au sein de la société et des entreprises »
Pleinement en phase aussi avec la raison d’être dont s’est doté son employeur, devenu l’an dernier entreprise à mission, à savoir « agir sur les facteurs sociaux, environnementaux et économiques qui améliorent la santé des personnes autant que celle de la société en mobilisant la force des collectifs. » « Être une entreprise mutualiste à mission, c’est exigeant mais c’est très structurant, plaide-t-il. Je ne le vois pas comme une contrainte mais comme une source de différenciation et de développement parce que nous sommes convaincus que nous avons un rôle positif à jouer au sein de la société et des entreprises », conclut-il.