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Biogaz : des enjeux de la filière en France à l’émergence de nouveaux acteurs

En réponse aux fortes inquiétudes de la filière à la suite des annonces de réévaluation des tarifs d’achats, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit l’introduction d’un nouveau mécanisme de financement.

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Les Certificats de production de biogaz (CPB). Les fournisseurs d’énergie qui commercialisent actuellement du gaz devront acquérir (achat ou production de biogaz en propre) et restituer en fonction de la quantité commercialisée ces certificats à l’État.

LA FILIÈRE EST-ELLE RENTABLE ?

Bien que les tarifs d’achat du biométhane soient fixés en fonction de la taille et de la nature de la production de biométhane – type d’installation et nature des intrants –, les niveaux de rentabilité restent variables en fonction des installations. Une étude de la CRE (fin 2018) détermine une rentabilité moyenne avec les subventions effectivement perçues à 11 % (effet moyen des subventions de 3,2 points). Le tarif d’achat actuel varie entre 69 et 134 €/MWh, et est limité aux installations dont les volumes de productions sont inférieurs à 300 Nm3/h. Depuis fin 2020, cette politique de tarifs d’achat vise à favoriser les appels d’offres pour les installations plus grandes, alors que les installations françaises sont historiquement de plus petites tailles que la moyenne européenne. L’objectif avec cette politique de tarifs de référence (moyenne autour de 100 €/MWh en France) est donc d’encourager la réduction des coûts de production moyens sur le biométhane à 75 €/MWh PCS en 2023 et à 60 €/MWh en 2030, avec un mécanisme de soustraction éventuelle de 5 €/MWh en fonction des subventions Ademe touchées.

COMMENT REVALORISER LE CO2 DE L’ÉPURATION DU BIOGAZ ?

Il s’agit ici de la distinction entre biogaz et biométhane. Le biogaz est produit par une fermentation méthanogène et sort du méthaniseur. Sa forme épurée est le biométhane et est injectable dans le réseau de gaz naturel. Cette épuration consiste à séparer le CH4 et le CO2. Ce CO2, biogénique à cycle court (1), neutre pour le climat, est rejeté dans l’atmosphère. Le valoriser est donc un levier de gains économiques. C’est également un moyen de capter une partie résiduelle de CH4 jusqu’alors perdue, et donc d’améliorer un bilan carbone déjà bon. En 2020, environ 70 % de la demande de CO2 est tirée par l’industrie agroalimentaire. Cette demande ne peut pas être traitée par le CO2 de l’épuration du biogaz. Il reste donc un marché cible pour la valorisation représentant 30 % de la demande qui est destinée aux autres secteurs (glace carbonique non alimentaire, serres agricoles) ainsi les usages émergents parmi lesquels la production d’algues, des e-fuels et la méthanation. Dans une logique de valorisation énergétique, la méthanation est une technologie Power2gaz permettant de produire du CH4 à partir d’électricité, potentiellement renouvelable. Par électrolyse, on produit de l’hydrogène puis du méthane par hydrogénisation du CO ou CO2. Ici, ce CO2 serait lui-même issu de l’épuration de biogaz et donc d’un procédé de méthanisation.

L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX ACTEURS

Au niveau de la production, additionnellement à de nouveaux acteurs comme Waga Energy, start-up basée sur une technologie innovante, et les exploitations agricoles autonomes et territoriales (78 % des installations), Engie et Dalkia ont des entités dédiées Engie Bioz et Dalkia Biogaz, respectivement 20 et 25 unités de production en exploitation. Dès 2015, Dalkia a enrichi son offre de solutions avec l’acquisition de 100 % de Verdesis. Début 2021, Total annonce l’acquisition du français Fonroche Biogaz, un leader de la filière française alors détenteur de 10% du marché de la méthanisation agricole avec un portefeuille de 500 MWh. L’ambition affichée est de décarboner une partie du gaz naturel. Pour rappel, Total est n°2 du GNL mondial, avec pour ambition d’augmenter la part du gaz dans les ventes jusqu’à 50% en 2030. En France, la vente de gaz naturel sera soumise par la loi Climat et Résilience à la restitution de CPB à l’État. L’intérêt croissant pour le biométhane par les grands acteurs pourrait donner un nouveau souffle à la filière avec des exigences de tailles et de rentabilité nouvelles.