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Et si la teneur en alcool d’un vin n’impactait que peu son appréciation ?

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Selon les premiers résultats de l’étude, un consommateur ne fait pas de différence entre un vin de chardonnay à 13,5 % et un autre à 3,0 %. (Crédit : DR)

En mars 2022, l’École d’ingénieurs de Purpan lançait un travail de recherche sur la perception de la teneur en alcool d’un vin par le consommateur, étude menée sous l’égide d’Olivier Geffroy, enseignant-chercheur en viticulture, oenologie et analyse sensorielle au sein du Département sciences végétales et agronomie. Les résultats plutôt surprenants de ces travaux viennent d’être publiés dans la revue scientifique Oeno One.

Après une étude sur des vins blanc de chardonnay et rouge de syrah auprès d’un panel de consommateurs réguliers, il ressort que l’appréciation de ces derniers est relativement peu influencée par la teneur en alcool. Avec l’eau, l’éthanol – ou alcool éthylique – est l’un des principaux composés retrouvés dans les vins. Son impact sur leur profil sensoriel est bien connu puisqu’il contribue à diminuer la perception de l’acidité et à renforcer la viscosité perçue en bouche. En revanche, l’appréciation de l’éthanol ou de vin à teneur réduite en éthanol n’avait fait jusqu’à présent l’objet que de très rares études.

Deux vins de chardonnay et de syrah IGP Pays d’Oc présentant une teneur en éthanol voisine de 13,5 %, ont dans un premier temps été désaromatisés et entièrement désalcoolisés. Dans un second temps, des vins présentant des niveaux distincts en éthanol ont été reconstitués à partir des fractions obtenues additionnées en éthanol d’origine agricole. Quatre paires de vins, chaque paire comprenant un échantillon témoin à 13,5 % et un échantillon à teneur réduite en éthanol, ont été présentées à un panel composé de 42 consommateurs réguliers de vin. Leur tâche consistait à indiquer, pour chaque paire, leur vin préféré parmi les deux proposés.

Ce travail a permis de mettre en évidence que la teneur en éthanol qui engendrait une préférence moindre d’un point de vue statistique s’établissait à 2,8% pour le blanc et à 7,0% pour le rouge. À titre illustratif, cela signifie qu’un consommateur ne fait pas de différence entre un vin de chardonnay à 13,5% et un autre à 3,0%. Ces valeurs extrêmement bas - ses ont fortement interpellé les chercheurs puisqu’ils vont à l’encontre de l’idée couramment répandue selon laquelle l’éthanol contribue de manière positive à la qualité des vins.

Le seuil de rejet plus élevé observé pour le vin rouge illustre la contribution supérieure de l’éthanol à son équilibre global. Les vins à teneur réduite en éthanol ayant été perçus comme plus agressifs et plus astringents. Ces résultats, qui restent encore préliminaires et méritent d’être validés sur différents vins de base avec un plus grand nombre de consommateurs, tendent à démontrer que les consommateurs ne sont pas forcément réfractaires d’un point de vue sensoriel à la consommation de vins à faible teneur en éthanol. Ils devraient inciter les professionnels de la filière viti-vinicole et les administrations à sensibiliser le grand public à l’augmentation de la qualité de ces produits et à leurs bénéfices pour la santé humaine.