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Il n’y a rien d’innovant dans la vague de l’innovation

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L’innovation est présentée comme la solution absolue à tout problème, qu’il soit sociétal ou économique. Pourtant, il n’existe aucune méthode efficace pour innover. L’innovation serait-elle de l’ordre de la magie ? Ou y aurait-il tromperie sur la marchandise ?
L’objectif de l’innovation est d’inventer de meilleures façons de satisfaire les besoins du client. Cela signifie que, selon cette théorie, pour assurer le futur de l’activité de l’entreprise, l’innovation doit satisfaire de façon plus efficace les besoins du consommateur.
Mais cet objectif n’est-il pas celui du « marketing » depuis près d’un siècle ?
Ou alors « l’innovation » est-elle radicalement différente de ce qu’on nomme de façon convenue « l’orientation client », qui guide tous les processus du développement-produit depuis plus de 40 ans ?

Les enthousiastes de l’innovation clament qu’elle est actuellement la clef du succès. La vérité est, cependant, que le succès des entreprises a été et est toujours dû à des développements de produits ou de services qui répondent le mieux aux besoins des consommateurs.

Et ceci pourrait, en effet, être désigné par le terme « Innovation ». Mais dans ce cas, l’innovation a toujours été un facteur clef dans le succès d’une organisation.
Bien avant que les professeurs Vijay Govindarajan et Robert N. Anthony publient leurs ouvrages (Reverse Innovation, The Three Box Solution, Think Big…) et présentent l’innovation comme si elle était un nouveau mantra, Peter Drucker avait lui aussi défini l’entrepreneuriat en termes d’innovation et soutenu que sans elle les entreprises déclineraient et c’était en… 1985 !
Alors, pourquoi autant de bruit  ? Pourquoi maintenant ?
Des entreprises comme Colgate-Palmolive ou Unilever ont démontré leur capacité à innover sans cesse sur des produits de consommation courante au cours des 70 dernières années.

Amazon, Facebook, Google ou Apple, de leur côté, n’ont pas « innové » de façon particulière en termes de technologie. Google et Facebook sont d’ailleurs deux exemples d’incapacité à innover.

Tout cela amène à une question centrale : comment nomme-t-on ce processus qui consiste à proposer au marché une offre continuellement supérieure ?
Innovation ? Développement produit orienté client ? Marketing, ainsi qu’il est pratiqué depuis des décennies ? L’innovation est-elle une nouvelle théorie ou une nouvelle approche de la stratégie ou quoi que ce soit qui aille au-delà du principe cardinal de satisfaire les besoins clients, raison d’être de toute activité entrepreneuriale  ?
Pourtant les professeurs Govindarajan et Anthony ne paraissent pas suggérer qu’ils font du neuf avec du vieux.
Leurs ouvrages respectifs suggèrent, tout au contraire, que leurs auteurs considèrent que l’innovation doit accéder au statut de théorie de la stratégie.
Leurs livres et approches théoriques auraient-ils fait l’objet d’un tel battage médiatique si, au lieu d’innovation, ils avaient utilisé une terminologie plus classique telle que « orientation client » ou « marketing » ?
Mais le plus ennuyeux avec cette « innovation », quoi qu’en disent ses thuriféraires, est le suivant : Il n’existe pas de méthode connue pour innover.
La dualité analytique/créative de l’innovation n’est toujours pas résolue car il faut que les entreprises trouvent l’étincelle de l’innovation en elles et il n’y a pas de méthode éprouvée pour cela – si ce n’est théorique.
Il nous faut maintenant aborder l’une des escroqueries intellectuelles les plus diffusées. Il s’agit de la pensée « out of the box » (thinking outside the box) comme outil de création de l’innovation. Cette théorie part du principe que d’un esprit cloisonné ne peuvent sortir que des idées étriquées. Il s’agit alors de « libérer » son esprit et de penser en dehors du cadre convenu. Cette expression que je qualifie de « romantique » a créé autant de buzz - et de dégâts ou du moins de désillusions - que le terme « innovation ».
Tout comme pour cette dernière, aucune preuve tangible n’a été donnée quant à ses résultats.
Il n’y a donc rien d’innovant dans la vague de l’Innovation puisqu’il n’existe pas de méthode pour innover. Mieux vaut se concentrer, avec humilité, à peaufiner son marketing et son orientation client.
Humilité, serait-ce ce terme qui dérange tant ?