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« L’écologie nombriliste du maire de Bordeaux enclave nos territoires »

Transport. Alors que le moment est venu de réunir le tour de table des collectivités pour le financement de la LGV Bordeaux-Toulouse, le Sud-Ouest fait face à une véritable cacophonie sur fond de postures politiciennes.

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Comme si nous pouvions nous le permettre ! Nous qui sommes les derniers territoires français à ne pas disposer de la grande vitesse ferroviaire qui a démontré sa pertinence partout ailleurs. Renoncer à ce projet fait de Bordeaux un cul-de-sac et finalement le seul bénéficiaire du TGV au détriment de l’Aquitaine et de ses voisins. Cela ferme également la porte aux interconnexions vers l’Espagne et compromet le développement du fret ferroviaire et des trains du quotidien. Non, la LGV Bordeaux-Toulouse n’est pas un « désastre écologique », le seul désastre c’est le maire de Bordeaux dont les affirmations reflètent la méconnaissance des bénéfices d’une nouvelle infrastructure ferroviaire au regard des enjeux du fret qui n’ont pas été suffisamment abordés.

L’urgence climatique et la nécessité de décarboner massivement les mobilités des marchandises nous obligent à penser les transports autrement. La simple rénovation d’une infrastructure existante, comme le préconise Pierre Hurmic, reviendrait à accroître la densité des camions sur les routes, il est là le vrai désastre écologique ! Quand on sait qu’un seul train consomme six fois moins de CO2 qu’un camion, qu’il peut charger jusqu’à 42 containers, desservir six liaisons et économiser la consommation de 13 000 camions (soit 5200 tonnes de diesel en moins), on comprend mieux que la réalisation des objectifs de multimodalité de la LGV est une clé de lutte contre le changement climatique. Une nouvelle infrastructure permet de transférer la charge du trafic passagers et d’augmenter d’autant le potentiel pour le fret et les trains du quotidien sur la ligne existante.

Il est consternant à ce niveau de responsabilité de revenir en arrière et de relancer un débat alors que celui-ci a été tranché dès 2005. Depuis, procédures après procédures, l’État et à ses côtés les collectivités ont maintenu leur cap, celui de connecter Toulouse, mais aussi Agen et Montauban et les territoires adjacents au réseau européen à grande vitesse. Le Conseil d’État a réfuté tous les recours. Qui plus est, cette réserve de sillons fret de la ligne Bordeaux-Toulouse est d’autant plus importante, et même stratégique qu’elle constitue le seul itinéraire de délestage utilisable lorsque le corridor méditerranéen est interrompu par les intempéries ce qui arrive de plus en plus régulièrement et constitue un point de fragilité majeur du réseau ferroviaire du sud de la France et du corridor européen méditerranéen.

La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse ne permettant toujours pas le passage du fret en raison de ses restrictions en termes de gabarit, les convois d’autoroutes ferroviaires et le fret ferroviaire en général, en provenance de Perpignan et du Boulou, n’ont d’alternative que de rejoindre le nord via Narbonne, Toulouse et Bordeaux, ce qui s’est produit pendant plus de quatre semaines en novembre 2019. Mais cette vision d’ensemble, Pierre Hurmic ne l’a visiblement pas en préconisant des choix purement électoralistes et de court terme. Il développe ainsi un nouveau concept d’écologie « nombriliste » qui enclave les territoires, qui soutient les déplacements en avion et en voiture et cantonne le ferroviaire à sa portion congrue.

Autre posture inadmissible, le non-respect des élus du Lot-et-Garonne qui ont milité pendant 20 ans pour la LGV Bordeaux-Toulouse avec les chambres consulaires et le plein soutien d’Eurosud Team et maintenant le refus d’assumer la part de financement alors que l’État et l’Europe vont contribuer à hauteur de 60 % ! Il faut revenir à la raison et finaliser la négociation du financement de ce grand projet avec l’État et les deux grandes régions concernées. Le développement économique durable et équitable de tous les territoires du Sud- Ouest européen en dépend.