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Les régions comme levier de transformation publique

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A l’approche des élections régionales des 20 et 27 juin 2021, l’Institut Montaigne a mené une enquête au­près des acteurs des politiques publiques, qu’ils soient au cœur des treize régions ou partenaires au sein de l’État, acteurs du monde économique ou de la société civile. Sa conclusion : le rôle des régions est primordial.
Les régions ont pu affirmer leur dimension politique. Les fusions ont permis aux régions d’émerger comme de nouveaux acteurs des politiques publiques, plus puissants et plus ambitieux. Qu’elles aient fusionné ou non, la légitimité issue du suffrage universel sert de levier aux régions pour inventer de nouvelles politiques publiques. Des transports au numérique éducatif, la Région devient ainsi l’échelon capable de faire bouger les lignes et de pousser les grandes organisations nationales à se réinventer.
Les régions dessinent les con­tours d’une nouvelle haute fonction publique. Elles attirent à elles de nouveaux talents pour conduire ces politiques. Ils sont recrutés de façon souple, sur la base d’une grande diversité de profils et de compétences.

À l’heure où les projets de réforme de celle-ci concentrent l’attention sur les cadres de l’État, ce travail permet de prendre conscience de la manière dont les régions, comme d’autres collectivités locales, sont en train d’inventer un nouveau modèle qui peut servir à la fois d’inspiration et de vivier pour l’État lui-même.

Appuyées sur ce double leadership politique et administratif, les régions ont pu engager des chantiers souvent peu remarqués, mais pourtant essentiels que l’Institut Montaigne propose d’approfondir :
-  continuer à réformer en profondeur les administrations régionales pour les rendre plus transversales, agiles, efficaces. Des expé­-riences importantes ont déjà été menées dans plusieurs régions : par exemple, la région Nouvelle Aquitaine a créé une délégation générale à la transformation, au pilotage et à la modernisation (DGTPM), placée directement auprès du DGS pour conduire la transformation managériale. Trois ans après la création de la DGTPM, la Région a largement rattrapé son retard numérique et managérial. Elle tente aujourd’hui d’ouvrir d’autres chantiers, comme le design de service, une nouvelle stratégie de présence territoriale, notamment à travers une nouvelle politique de données (ex.. Géo Data, Open data). Il faut poursuivre ces actions qui peuvent servir d’inspiration pour les autres acteurs publics, et notamment l’État.
-  Poursuivre et approfondir les politiques de collecte, d’exploitation et de partage des données, à la fois pour piloter les politiques publiques régionales, et pour fédérer les acteurs publics et privés du territoire. C’est le cas par exemple en Ile-de-France, avec le concept de « Smart Region ». Avec des partenaires privés, la région engage l’agrégation du plus grand nombre possible de données privées et publiques, au service d’une usine à services numériques à destination de trois publics cibles : les citoyens, les entreprises, et les collectivités du territoire. Le point fort de cette démarche, c’est la capacité à créer rapidement des services concrets pour les usagers et les partenaires de la région.
-  Créer des espaces de réflexion, de dialogue et de co-décision avec l’ensemble des acteurs locaux, pour passer d’une Région-guichet à une Région-plateforme, qui fédère les entreprises, la société civile et les autres collectivités locales. C’est le cas des initiatives « Clubs ETI », où se réunissent des entrepreneurs afin de travailler en lien étroit avec la région, sur l’ensemble de ses champs de compétence. La valeur ajoutée de ces lieux d’échanges tient à leur double dimension politique et pratique, à leur capacité de croiser des visions, et de régler les problèmes du quotidien.

État et régions : jouons collectif !

L’émergence des régions peut inspirer l’État à redéfinir son rôle de maillon central d’une chaîne d’acteurs interdépendants dans une République décentralisée. Il s’agit d’abord de faire confiance aux régions comme des acteurs politiques légitimes.
Plus encore, l’État pourrait s’appuyer sur les expériences menées par les régions pour construire un cadre national qui permette à tous les acteurs publics et privés de développer des initiatives ambitieuses.
Il pourrait notamment :
-  ouvrir davantage les viviers de hauts fonctionnaires, comme les régions l’ont fait pour elles-mêmes, et permettre des échanges et des collaborations entre l’État et les collectivités locales ;
-  mettre à profit les expériences de transformation managériale menées par les régions pour moderniser le fonctionnement des services de l’État ;
-  engager la transformation nu­mérique de l’État et développer une véritable politique de la donnée, en partant de l’échelon régional, véritable échelon pivot pour la gouvernance des données et le pilotage des politiques publiques ;
-  surmonter le cloisonnement entre la sphère de l’État et celle des collectivités locales : la réforme de l’administration et le développement des collaborations entre tous les acteurs publics ne peuvent pas être séparés.