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Avec 406 M€ levés par ses start-up en 2024, l’Occitanie dame-t-elle le pion aux autres régions ?

Financement. Conséquence d’un contexte politique et économique incertain, la France a enregistré en 2024, pour la deuxième année consécutive, une baisse des montants des levées de fonds, avec 8,1 Mds€ captés en 822 opérations. À rebours de cette tendance, les start-up d’Occitanie ont su tirer leur épingle du jeu : 51 levées de fonds réalisées l’an dernier leur ont permis de collecter 406 M€, un chiffre en hausse de 27 %.

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Benoît Baccot et Romulus Grigoras, fondateurs de OneStock. La start-up toulousaine développe une solution BtoB d’optimisation des parcours clients et d’amélioration des performances commerciales. Elle a levé 65 M€ l’an dernier, se hissant au sommet du palmarès régional des levées de fonds 2024. (©OneStock)

Alors que le marché du capital risque se contracte en Europe et en France pour la deuxième année consécutive, la région Occitanie affiche une belle résilience. C’est la bonne nouvelle que nous livre en ce début d’année 2025, le cabinet In Extenso dans son baromètre des levées de fonds 2024, réalisé en partenariat avec l’ESSEC et France Angels.

Malgré un contexte politique et économique très incertain, en 2024, les start-up occitanes sont parvenues à collecter près de 406 M€, un montant supérieur de 27 % à celui de 2023. Outre cette très nette hausse du montant des levées de fonds, l’Occitanie est la seule des régions du top 5 français à enregistrer une progression du nombre des opérations : 51 en 2024 contre 47 un an auparavant (+9 %). Le ticket moyen, lui même, a bondi de 20 % en un an pour atteindre désormais 9,2 M€.

Deux levées de fonds de plus de 50 M€

Si aucune start-up régionale ne figure cette année parmi les méga-levées recensées (supérieures à 100 M€), deux pépites occitanes sont parvenues à tirer leur épingle du jeu. Fondé en 2018, le toulousain OneStock, qui développe une solution BtoB d’optimisation des parcours clients et d’amélioration des performances commerciales, a levé en mai 2024 près de 65 M€ (72 M$) auprès de Summit Partners.

De son côté, Sensorion, fondée en 2009 à Montpellier, a réalisé en février dernier un deuxième tour de table de près de 51 M€ auprès de ses investisseurs historiques, Invus, Sofinnova Partners, et Redmile Group, et de nouveaux partenaires tels que Aquilo Capital. La medtech poursuit des programmes de recherche, en lien avec l’Institut Pasteur, sur la prévention et le traitement de la perte d’audition.

Troisième sur le podium régional, la greentech toulousaine OpenAirlines a levé en novembre dernier 45 M€ auprès d’Eiffel Investment Group et Mirova. Leader sur son marché, la PME fondée en 2006 développe une suite logicielle d’écopilotage aérien intégrant l’IA, utilisée par plus de 70 compagnies dans le monde.

La santé, l’énergie et les logiciels

Deux autres pépites régionales ont défrayé la chronique avec de belles levées de fonds. Micropep a réalisé en juillet 2024 une levée de fonds de 27 M€ qui va lui permettre d’accélérer le développement de micropeptides, des protéines permettant de lutter contre les maladies et les mauvaises herbes tout en préservant les rendements. Pour sa part, Cilcare, créée en 2014, vient de boucler en décembre 2024 un tour de table de 40 M€. La société de biotechnologie montpelliéraine travaille, grâce notamment à l’IA, sur le développement de nouveaux médicaments pour traiter les troubles auditifs.

À l’image de ce palmarès, trois secteurs ont particulièrement attiré les investisseurs l’an dernier : la santé, qui représente plus 31 % des montants levés (127 M€ au total), l’énergie (87 M€) et le software (78 M€). À noter qu’en Occitanie, une opération sur 10 a reçu le soutien d’Irdi Capital Investissement, la société de gestion toulousaine qui s’impose plus que jamais comme un acteur majeur du capital risque en région.

L’IA, le spatial…

Autre enseignement marquant de cette étude menée par In Extenso : la place très importante prise dès à présent par l’intelligence artificielle. Les opérations réalisées par des start-up développant ou utilisant des technologies d’IA représentent 118 M€ en région (2 Mds€ à l’échelle de l’Hexagone), soit près de 30 % du montant global collecté.

L’Occitanie bénéficie en outre de l’engouement récent des investisseurs pour le secteur spatial. Sur le territoire national, les opérations de levées de fonds, au nombre de zéro en 2020 et 2021, se sont chiffrées à une petite vingtaine en 2024, représentant plus de 325 M€ levés, en progression de 182 % par rapport à 2023. La start-up toulousaine Infinite Orbits est l’une des pépites à suivre : elle a achevé un tour de table de 12 M€ l’an dernier pour poursuivre le développement de ses technologies de rupture qui permettent de prolonger la vie des satellites.

Forte de cet écosystème très dynamique, l’Occitanie conserve son 4e rang hexagonal, derrière l’Ile-de-France (5,7 Mds€), l’Auvergne-Rhône-Alpes (558 M€) et la Nouvelle-Aquitaine (525 M€). À l’échelle nationale, avec 8,1 Mds€ levés (-10% versus 2023) pour 822 opérations (-18 %), la France se maintient à la deuxième place dans le classement européen, derrière la Grande-Bretagne (14,4 Mds€) et devant l’Allemagne (7,1 Mds€). En cumulé, les start-up européennes ont ainsi levé 47,4 Mds€ l’an dernier, un montant en retrait de 8%.

Si cette contraction du marché observée depuis deux ans peut susciter l’inquiétude, les montants levés demeurent très supérieurs à ceux enregistrés avant la pandémie, à savoir en 2019 quelque 5,03 Md€ levés en 736 opérations avec un montant moyen de 6,8 M€ (source cabinet EY).

« Les années 2021-2022 marquaient une période exceptionnelle, mais anormale en termes de deals et de valorisations, suivie d’une baisse significative en 2023 », rappelle ainsi Remi Spagnol, directeur d’investissement chez Supernova Invest, cité dans le baromètre In Extenso. Et l’expert de conclure : « Le marché est désormais plus prudent et sélectif, avec des liquidités plus limitées, favorisant les entreprises de premier plan ou évoluant dans des thématiques très attractives, telles que l’IA ou la santé digitale, avec un recentrage sur la croissance. »