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Nubbo : 25 ans d’existence et encore de grandes ambitions à revendre

Accompagnement. Acteur incontournable de l’écosystème entrepreneurial en Occitanie, l’incubateur régional fête un quart de siècle. Période durant laquelle la structure a accompagné 373 projets innovants et donné naissance à 320 entreprises ayant généré 3 470 emplois et levé 1,234 Md€. Loin d’être rassasié, Nubbo veut désormais aller titiller les plus grands incubateurs, notamment parisiens. Pour cela, il annonce un budget annuel en hausse.

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Guillaume Costecalde, président de Nubbo depuis 2018 (et ancien bénéficiaire de l’accompagnement) aux côtés de Anne-Laure Charbonnier, directrice depuis 2012. (©Gazette du Midi)

Quel est le point commun entre la biotech Micropep Technologies qui développe des alternatives naturelles aux pesticides, la jeune pousse Ascendance, pionnière de l’aviation décarbonée avec son avion hybride, la manufacture Authentic Material, spécialisée dans la valorisation de matières naturelles inexploitée pour l’industrie du luxe ou encore l’entreprise Assolia, qui a développé un simulateur d’assolement pluriannuel aujourd’hui adopté par la coopérative Arterris ? Toutes sont passées au début de leur histoire par l’incubateur régional Nubbo.

Installé au cœur de La Cité, dans le quartier de Montaudran, l’ex Incubateur Midi-Pyrénées fait partie des 35 structures qui ont vu le jour dans les années 2000 sous l’impulsion du ministère de la Recherche et de son ministre Claude Allègre qui souhaitait alors valoriser les travaux de la recherche publique et faciliter la création d’entreprises innovantes. 25 ans plus tard, le pari est-il tenu ? Oui, il est même largement dépassé si l’on en croit sa directrice Anne-Laure Charbonnier et son président Guillaume Costecalde. Début mars, les deux intéressés ont tenu une conférence de presse pour fêter ce quart de siècle. L’occasion de regarder dans le rétroviseur et de mesurer l’impact de l’association sur l’écosystème entrepreneurial occitan.

Un taux de pérennité de 83 % à cinq ans

Depuis 2000, Nubbo a investi 11 M€ dans des projets innovants, via un système d’avances remboursables pouvant aller jusqu’à 100 K€ sans prise de participation au capital et sans intérêts. L’aide financière tournant en moyenne autour des 25 000 €. Le premier incubateur à mission de France fonctionne sur un modèle économique public/privé. La moitié de son budget provient aujourd’hui de l’autofinancement, généré par les remboursements des aides octroyées. Pour l’autre moitié, il bénéficie de subventions de la Région, du ministère de la Recherche, de Toulouse Métropole, du Sicoval et de l’Union Européenne via le Fonds européen de développement régional (FEDER).

« Ce soutien des institutions publiques ne s’est jamais démenti et heureusement car il reste aujourd’hui encore très important, voir essentiel, parce que les bonnes idées ne viennent pas uniquement de personnes qui ont la capacité financière de les concrétiser. Au contraire, je dirais que la créativité, l’inventivité, viennent justement de la diversité. Et donc, le fait d’avoir des outils comme un incubateur régional, c’est vital pour permettre à cet entrepreneuriat de s’exprimer », insiste Guillaume Costecalde en toute connaissance de cause puisque le chef d’entreprise, aujourd’hui à la tête de deux sociétés de biotechnologie, a lui-même bénéficié de l’accompagnement de Nubbo et ce, à deux reprises.

L’incubateur accompagne en effet les porteurs de projets entre 12 et 18 mois via différents programmes de préincubation, d’incubation et d’accélération dans les secteurs de la biotech, du numérique/IA, de l’ingénierie, de la chimie, de la greentech, etc. Uniquement sur des modèles économiques B2B. 67 % des projets sont deeptech, soit issus ou liés à la recherche publique. En 25 ans, l’association a rencontré 1 261 candidats potentiels et accompagné 373 projets innovants, donnant naissance à 320 entreprises avec un taux de pérennité de 83 % à cinq ans. « Les entrepreneurs incubés chez nous ne vendent pas seulement une technologie mais bien la résolution d’un problème de marché en apportant des bénéfices supérieurs aux concurrents, explique Anne-Laure Charbonnier. Ils portent donc des projets plus risqués mais qui, s’ils réussissent, ont un potentiel de résilience et de développement beaucoup plus fort que les autres. »

1,75 M€ de budget pour 2025

Les entreprises accompagnées, dont 97 % sont toujours implantées en Occitanie, ont généré 3 470 emplois dans la région. Elles ont également su convaincre les investisseurs, levant un total de 1,234 Md€. Rien qu’en 2024, les ex pépites Nubbo ont récolté 85 M€. Parmi elles, OneStock, qui développe une solution BtoB d’optimisation des parcours clients et d’amélioration des performances commerciales, a levé en mai dernier près de 65 M€. Infinite Orbits, elle, a achevé un tour de table de 12 M€ pour poursuivre le développement de ses technologies de rupture qui permettent de prolonger la vie des satellites.

Comme 83 % des start-up accompagnées, ces dernières ont leur siège social à Toulouse, en Haute-Garonne. Une surreprésentation qui ne surprend malheureusement pour Guillaume Costecalde qui rappelle le surnom donné à la Ville rose dans le milieu : l’aspirateur. « Ça dit bien ce que ça veut dire ! », ironise l’intéressé avant de poursuivre :

Il y a un fort creuset de compétences hautement concentré autour de Toulouse. Ceci étant dit, de très belles choses se font dans toute l’Occitanie avec des personnes qui portent des projets extrêmement costauds. En Aveyron, le Laboratoire Campus Nutergia, spécialisé dans la conception et la production de compléments alimentaires, en est le parfait exemple. Notre responsabilité est de renforcer notre maillage. D’aller encore plus loin dans le territoire. Comment ? En allant faire du porte-à-porte, à l’ancienne car le côté institution fait encore peur. C’est ultra important d’incarner nos missions. C’est d’ailleurs comme ça que l’on est passé d’une petite dizaine de projets accompagnés à 32 en 2024 et 35 dès cette année. »

D’ici 2028, l’incubateur régional ambitionne de monter graduellement en puissance pour atteindre la cinquantaine de projets soutenus tout en préservant son modèle économique et « notre qualité d’accompagnement sur-mesure ». Cela passera notamment par une réorganisation interne et aussi par une sélection encore plus exigeante. « L’objectif étant bien évidemment de sélectionner des entreprises qui ont le plus de chance de passer de l’état instable de start-up à PME », indique Anne-Laure Charbonnier qui annonce pour cela un budget annuel à la hausse de 1,75 M€, contre 1,5 M€ en 2024.

Seulement 13 % de femmes entrepreneurs

D’ores et déjà classé par le ministère de l’Industrie comme l’un des incubateurs les influents de France, Nubbo ambitionne désormais d’intégrer le top 3. « Je veux que l’on se compare aux structures parisiennes, à l’image de Station F, créé en 2017 par Xavier Niel », s’emballe Guillaume Costecalde qui entend se défaire du complexe du “petit poucet” dans l’antagonisme historique entre Paris et la province. « En Occitanie, on n’a peut-être pas les mêmes forces ou atouts que les autres mais on en a ! D’autant plus qu’ici l’État via la Région joue le jeu. Idem pour les financeurs et les banquiers. »

Autre cheval de bataille sur le long terme, la sous-représentation des femmes parmi les porteurs de projets avec seulement 13 % d’entrepreneuses accompagnées depuis 25 ans. « Clairement on peut mieux faire », soupire Anne-Laure Charbonnier qui se dit « consternée » par ce pourcentage tout en reconnaissant une marge de manœuvre limitée pour inverser cette tendance.

« Dans le cadre du Pôle universitaires d’innovation, nous venons de décider conjointement avec la SATT Toulouse Tech Transfer et l’Université de Toulouse de faire un programme spécifique avec le réseau Les Premières d’Occitanie sur le sujet des femmes entrepreneurs. Et le premier travail est d’aller expliquer aux femmes, oser y croire, oser essayer d’y penser. Même pour celles qui ont bac +8 et 10 ou 15 ans de direction de laboratoire de recherche. Parce que concrètement, nous en sommes encore là ! »